MON TISSU PRÉFÉRÉ
Une plongée féminine au cœur de la société syrienne
Damas. Mars 2011. La révolution syrienne tarde à se mette en marche, la contestation grandit mais le mouvement a encore du mal à fédérer et les tentatives d’organisation de manifestations massives se sont soldées par un échec. Jusqu’au 15 mars, jour où le peuple va descendre dans la rue clamer ses songes de démocratie. Nahla, elle, regarde ça avec distance, par la fenêtre, ou au travers de l’écran de sa télévision. Les revendications politiques sont loin de ses préoccupations, la jeune femme cherchant avant tout à trouver sa place et à s’épanouir dans la monotonie de son quotidien. Salim, tout juste revenu des États-Unis et à la recherche d’une épouse, pouvait incarner ses velléités d’ailleurs, mais celui-ci va préférer se marier avec l’une de ses sœurs. Alors, désabusée, elle va se tourner vers la voisine du haut, Madame Jiji, dont l’appartement a été transformé en maison close.
Jouant avec les tonalités, "Mon tissu préféré" s’avère être un drame intimiste émouvant, où le talent de Manal Issa (vue notamment dans "Nocturama") s’exprime parfaitement. En reléguant le pamphlet politique en arrière-plan, le film interpelle par sa capacité à brasser des enjeux sociétaux à des questionnements adolescents sans jamais perdre le fil de son intrigue. Si la multitude des interrogations soulevées a tendance à annihiler la tension dramatique, la faute à un montage maladroit et un rythme nonchalant, le résultat n’en demeure pas moins percutant dans sa radiographie d’un pays à un moment charnière de son histoire, où les mœurs et les idées évoluent. Et à l’image de sa protagoniste, le métrage développe une ambiguïté passionnante, miroir d’une jeunesse en proie aux doutes et à l’incertitude du lendemain. Malgré les quelques défauts inhérents à un premier film, sa sélection au Festival de Cannes, dans la section Un Certain Regard, était amplement méritée.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur