MON GARÇON
Une expérience inédite comme dans un jeu de ciné-réalité
Julien, chargé d’affaires à l’international, voyage beaucoup pour son travail. Ce choix de carrière professionnelle l’a toutefois éloigné de sa femme dont il est divorcé depuis quelques années. Il ne voit d’ailleurs pas beaucoup son fils, Mathys, fruit de leur amour passé. Un jour, il est joint par son ex-épouse qui lui annonce que le petit Mathys est porté disparu après une nuit dans un colonie de vacances…
"Mon garçon" pourrait être un thriller parmi tant d’autres, avec son personnage principal de père prêt à tout pour retrouver son fils disparu, quitte à se passer de la police et à mener l’enquête comme il l’entend. On pense assez vite au destin extraordinaire de ces gens tout à fait ordinaires que le 7e art aime mettre en scène. Dans notre cinéma hexagonal, on pense notamment à François Cluzet dans "Ne le dis à personne" (réalisé par Guillaume Canet, tête d’affiche de "Mon garçon") ou encore à Vincent Lindon qui dans "Pour elle" faisait tout pour sortir sa femme de prison, inculpée d’un crime qu’elle n’avait pas commis. "Mon garçon" aurait d’ailleurs pu être mis en boîte par Fred Cavayé, tant Christian Carion renoue avec une belle énergie, du suspense et de la tension rappelant les films de son confrère (voir aussi "Mea culpa" et "À bout portant").
Mais "Mon garçon" n’est pas un simple thriller. C’est un long métrage assez unique dans le paysage du cinéma, qui restera comme une référence dans l’expérience proposée aux spectateurs mais aussi à toute l’équipe de tournage. En effet, ce film a été écrit et préparé sans que Guillaume Canet ne sache rien du scénario, ni des décors, ni face à quels comédiens il allait se retrouver. Toute l’équipe a répété pendant quinze jours sans l’acteur principal avec interdiction de lui parler (sauf Carion) ! Il y avait donc une part d’inconnu des deux côtés : chez le réalisateur et les acteurs, d’abord, qui ont répété chaque scène « à vide » sans réellement savoir comment Canet allait réagir le jour J, et chez Guillaume Canet bien sûr, livré à lui-même durant les six jours de tournage, n’ayant eu qu’une feuille de papier décrivant son personnage et le synopsis général du film expliquant que son fils avait disparu. Pour chaque scène tournée, Christian Carion était aux côtés du comédien pour le guider tout en lui laissant une totale liberté sur les dialogues, les mouvements et les réactions ! Des mots de Guillaume Canet, c’est sa « plus belle expérience cinématographique à ce jour et un cadeau monumental » de la part d’un réalisateur.
Autant dire que l’expérience pour le spectateur est également galvanisante. On découvre chaque avancée de l’intrigue en même temps que le comédien, on n’a jamais une longueur d’avance sur lui, on est à ses côtés, la caméra le suivant pas à pas dans sa traque, on analyse les pistes et les indices comme lui, on est tendu à l’approche d’une maison suspecte comme lui. Le spectateur, tout comme Guillaume Canet, est vraiment comme dans un jeu de ciné-réalité. Le revers de la médaille est la lourdeur de l’organisation que cela implique. Pour garder le comédien dans cet état d’alerte permanent, les conditions de tournage ont été serrées – tout comme le budget –, avec une planification sur six jours seulement et une trame narrative qui a dû être construite de manière assez linéaire et limitée : soit peu de décors et de comédiens, amenuisant quelque peu le scénario. On espère en tout cas pourvoir apprécier, dans les futurs bonus du DVD, le making-of du film qui doit être assez sensationnel sur les coulisses peu communes de ce tournage unique.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur