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MON FILS A MOI

La mauvaise éducation selon Nathalie Baye

Une ambulance stationne devant un pavillon de banlieue. Quel drame a bien pu se produire dans cette résidence d’apparence si calme ? Retour en arrière… Julien danse avec sa mère sur un air de musique de variétés, mais Julien est en train de grandir et sa mère veut l’empêcher de voler de ses propres ailes…

Premier long-métrage pour Martial Fougeron qui renouvelle l'expérience du couple Nathalie Baye et Olivier Gourmet après un court où il les avaient déjà dirigés. Ici il les transporte dans une histoire des plus prenantes : celle du vampirisme d’une mère pour son enfant "à elle". D’une manière très évidente, Martial Fougeron raconte comment un drame survient dans une famille somme toute banale.

Au départ, le bonheur ronronne dans ce foyer où le fils Julien (Victor Sévaux) et sa mère (Nathalie Baye) dansent dans le salon sur une chanson de Gilbert Bécaud… Mais voilà que l’enfant grandit et que la mère vieillit… S’en suit l’escalade de la folie d’une femme, de la folie de son amour pour son enfant. Pour échapper à son destin (celui de la perte de l'oiseau qui quittera le nid), elle va le materner au paroxisme du supportable et de l'horreur. Ainsi elle va continuer à lui acheter des majorettes et à choisir ses habits chaque matin. Elle va refuser de le voir s’amuser avec quelqu’un d’autre et l’empêcher d’avoir une copine. Elle va planifier ses week-ends et l’isolera de toute influence (même familiale) qu’elle jugera néfaste… Bref elle va le détruire à petit feu et la mécanique agira douloureusement sur l'ensemble du noyau familial.

Parmi les grandes réussites de ce film, on retiendra le scénario, habile, qui décrit chaque étape, avec paradoxalement une extrême minutie et beaucoup de simplicité, et à grands coups de dialogues percutants, de la montée en puissance du climat malsain qui habitera la maison familiale. Ainsi, cette conversation entre la mère et la fille aînée, inquiète pour son petit frère : « Maman, Julien ne va pas bien… il ne mange plus et ne parle plus… », la mère impassible : « Qu’est-ce que tu préfères avec ton lapin ? du riz ou de la purée ? ».

Si la mère refuse de voir la réalité en face, si elle ne veut en aucune manière que sa fille (Marie Kremer en douce ange gardien) ou la grand-mère (parfaite Emmanuelle Riva) ne lui donne de leçons, elle n’est pas la seule à faire la politique de l'autruche. Le père (Olivier Gourmet) est loin d’être celui qui porte la culotte dans le couple. Faible, absent, aveugle et impuissant, il se fait tout autant bouffer par sa femme. Il trouve refuge dans le tennis et son travail, seul lien social qui le construit ; ne pouvant de toute façon rien fonder dans son propre foyer.
Un couple en totale fracture qui n’arrange bien entendu en rien la situation de Julien pour qui la violence et le drame résonneront comme l’unique lumière du bout de ce sombre couloir.

L’autre grande réussite de ce film est indéniablement l’interprétation des comédiens, avec Nathalie Baye, en tête, exceptionnelle en mère cruelle et castratrice, alors qu'Olivier Gourmet détonne dans son rôle de soumis. Ils insufflent tous deux une vérité dérangeante à cette famille déréglée. Une famille qui fait froid dans le dos… A noter que "Mon fils à moi" a remporté le prix du meilleur film (ex-aequo) lors du Festival de San Sebastian qui s'est tenu du 21 au 30 septembre 2006.

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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