MON ÂME PAR TOI GUÉRIE
Une émotion véritable
"Mon âme par toi guérie", derrière ce vers poétique emprunté à Charles Baudelaire, se cache l’adaptation du roman Chacun pour soi, Dieu s’en fout écrit par François Dupeyron lui-même. Quatre ans plus tard, et après de nombreuses galères pour trouver des financeurs, le cinéaste est enfin parvenu à transcrire son bouquin à l’écran, soit l’histoire d’un homme modeste qui a toujours refusé le don de guérisseur qu’il a hérité de sa mère. Mais après le décès de celle-ci, et en raison d’un concours de circonstances, il se retrouve sans autre choix que d’accepter son pouvoir.
De ce postulat teinté d’une dose de surnaturel, le réalisateur tisse un long-métrage d’une extrême fluidité et d’une immense sensibilité. Développant un univers aussi énigmatique qu’attachant, le film navigue naturellement entre le conte de fée idyllique et la fable sombre, sans jamais atténuer sa singularité. Au milieu de cette précarité et de cette crasse, la lumière du Sud réchauffe les cœurs et les âmes en peine des protagonistes, le cinéaste captant à merveille les reflets rougeâtres des journées méridionales. Mais la pellicule ne se fait que le miroir de la chaleur humaine qui se dégage des personnages, et rarement autant de sincérité aura été capturée par un objectif.
Entouré d’une myriade de comédiens au diapason, Grégory Gadebois, César du meilleur espoir pour "Angèle et Tony", illumine l’écran dans le rôle d’un homme miséreux et misérable, dont le don est de ressentir la douleur des autres afin de les soigner. D’une justesse époustouflante, cette brute épaisse au cœur tendre démontre l’étendue de son talent, le cinéaste ayant trouvé le parfait fil conducteur pour son projet. À ce casting parfait, s’ajoute un scénario intelligemment écrit, aussi bien vulgaire que pudique, doux et violent, et dont chaque non-dit ou ellipse est judicieusement choisi pour renforcer l’impact émotionnel du métrage. Film transgenre, "Mon âme par toi guérie" tient le spectateur en haleine, sans aucun artifice, nous désarçonnant en permanence. Et c’est avec une grande allégresse qu’on redécouvre qu’il n’y a pas besoin de chichi pour émouvoir le spectateur. Un plaisir sans modération, d’autant plus avec la super bande son qui accompagne le film !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur