MOFFIE
Un drame sud africain des plus oppressants
1981, en Afrique du Sud. Un jeune homme de 16 ans effectue son service militaire. Comme les autres, il se fait crier dessus et subit un entraînement physiquement éreintant. Deux de ses camarades, traités de « Moffies » (ou homos), sont discrètement envoyés à l’asile. Mais un soir, lui-même, doit partager son sac de couchage avec l’un de ses camarades…
Découvert à Cannes dans la section Un certain regard avec le percutant "Beauty", qui traitait déjà d’un thème similaire, le Sud Africain Oliver Hermanus était venu il y a quelques années à Venise présenter en compétition le drame étrange et imprévisible, même si un rien décevant "La rivière sans fin", dans lequel on retrouvait quelques interprètes français, dont Nicolas Duvauchelle. Le voici de retour aux origines avec un drame situé dans l’armée sud-africaine en 1981, un jeune afrikaner étant mobilisé pour effectuer son service et potentiellement être envoyé au front, à la frontière avec l’Angola, représentant à l’époque la menace communiste.
En quelques scènes d’immersion, filmées comme une sorte de déportation (un long train qui arpente des paysages désolés...), le film pose d’emblée le rôle de l’armée vis-à-vis de ses recrues : les humilier, les torturer et éliminer toute trace de leur personnalité, afin d’en faire des pions serviables et obéissants. Et c’est justement cette découverte de sa propre personnalité chez le jeune bidasse, que va mettre en évidence Hermanus au fil du récit. S’intéressant au sort des homosexuels dans l’armée (les Moffies du titre), le scénario tente d’aborder par ellipses et allusions souvent hors champs, l’internement, la torture, le conditionnement, obligeant chacun à devenir autre, voire à avoir peur d’eux-mêmes.
Le parallèle est donc forcément troublant entre traitement psychiatrique et traitement militaire, les deux ayant finalement le même objectif : faire rentrer l’homme dans le moule, lui faire avoir le comportement attendu par chacune des entités (la société et l’armée). Utilisant la musique pour signifier l’angoisse du personnage et la plongée dans l’inconnu, le metteur en scène soigne sa photo, faisant contraster les couleurs sombres et cuivrées des séquences militaires, avec celles lumineuses et estompées, sur une plage synonyme d’une certaine liberté. Il dirige avec justesse ses acteurs, enserrés dans des corps qui ne doivent laisser entrevoir leur personnalité, avant de nous livrer un très beau final, tout juste déchirant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur