MISSION RÉGÉNÉRATION
Un point de vue peu entendu
Et si la solution au changement climatique résidait dans nos sols, capables de stocker du carbone ? Joshua Tickell et Rebecca Harrell Tickell tentent d’examiner comment un changement global dans l’agriculture et l’élevage industriels, permettant la régénération des sols, pourraient sauver la planète…
Si l’un des sujets du moment est le Zéro artificialisation nette (ZAN), c’est à dire la consommation minimale de terrains pour construire, dans une logique de renouvellement urbain et de compensation permanente de l’extension urbaine, on entend encore peu parler de la restauration des sols, où plutôt de leur régénération. L’idée n’est pourtant pas nouvelle, et certaines expériences de grande ampleur existent depuis longtemps, en Afrique ou en Chine (comme on peut le voir dans le documentaire) ou en Espagne. En détaillant d’abord les conséquences du labour de grande ampleur sur l’érosion, puis de l’usage d’engrais et produits chimiques sur les micros organismes qui peuplent les sols, c’est à la fois l’essoufflement d’une agriculture prise dans un cercle vicieux et la désertification galopante, qui sont pointés du doigt dans "Mission Régénération".
À grands renforts de musique dramatique, de coupes, d’images de synthèse et d’accélérés, c’est une menace qui plane sur nous tous qui est décrite pendant la première moitié du film, témoignages scientifiques à l'appui. Ceci avant de passer à une seconde partie montrant des exemples d’agriculture diversifiée vertueuse, de restauration écologique ou de compostage des surplus alimentaires, évitant ainsi le gaspillage. Au delà d’un énième docu sur le changement climatique, le film axe tout son discours sur la restauration des sols et la capacité à faire décroître les températures par le recours à un couvert végétal (arbres comme prairies...). L’apparition de Stéphane Le Foll, alors Ministre de l’agriculture, lors de la COP 21, même si entourée des clichés habituels sur les français (une chanson accompagnée... d’accordéon, forcément), défendant la limitation du travail des sols, leur couverture et l’agroforesterie (l'Initiative 4 pour 1000), est d’ailleurs un passage édifiant.
On pourra bien entendu reprocher au film des caractéristiques très anglo-saxonnes (outre la musique dramatique, l’ouverture façon Big-Bang, les multiples ralentis sur la fin... entre famille modèle et jeunes manifestants), mais l’ensemble est plutôt efficacement construit et ne cache rien des problèmes de subventions mal placées et d’élevage intensif. Tâchant cependant de réhabiliter intelligemment les rôles du Carbone (dont nous sommes faits à 16%) et d’un élevage de bétail réfléchi, le film tente donc de tracer une ligne des possibles, disposant au passage quelques photos marquantes des excès du passé (comme cette immense pile de crânes de bisons, décimés pour affamer les indiens, ou l'avant/après sur le plateau de Lœss en Chine...) pour mieux faire passer ses messages, tout en soulignant la nécessité d’éducation au fonctionnement des sols des principaux intéressés : les agriculteurs.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur