MISSION : IMPOSSIBLE – FALLOUT
L’épisode de trop ?
Suite à l’échec d’une mission visant à récupérer une dangereuse cargaison de plutonium, Ethan Hunt et son équipe n’ont d’autre choix que de s’associer à la CIA afin d’éviter le pire. Des rues de Paris aux montagnes du Cachemire, cette nouvelle mission mettra Ethan face aux pires choix possibles et face à d’anciennes connaissances, amies ou ennemies…
Il y a trois ans, "Rogue Nation" en avait fait la démonstration avec brio : pour l’équipe de l’IMF, il n’y a désormais plus de règles ou de procédures, toutes écrasées par un gigantesque chaos à l’échelle planétaire dans lequel règnent en maître les jeux de dupes, les mascarades identitaires et la paranoïa en surchauffe. Quelle pouvait être la prochaine étape ? Cette question-là, on se la posait déjà depuis un bon moment, impatient de voir ce que Tom Cruise et son nouveau futur réalisateur allaient révéler au grand jour. Manque de bol, "Fallout" fait figure de transgression, pour ne pas dire de trahison. Pour la première fois, et sans que l’on sache si cela résulte de la tendance du moment (des franchises soumises à la sérialisation active et aux univers étendus), la saga "Mission : Impossible" quitte sa zone d’audace pour se reposer sur ses acquis. Pour la première fois, un nouvel épisode de la saga devient la suite directe et affirmée du précédent au lieu de bâtir sa propre logique interne, un réalisateur rempile à nouveau au lieu de laisser sa place à un autre doté d’un style différent, et le tout prend la forme d’un vaste territoire de clins d’œil et d’autocitations en tout genre qui donnent à ce "M:I-6" (rires) l’allure perturbante d’un "M:I-5.2". S’il y avait bien une chose que l’on souhaitait éviter sur une franchise aussi puissante et intelligente, c’était de se retrouver face à un blockbuster comme les autres.
Est-ce que le fait d’avoir cumulé trois ratages d’affilée ("La Momie", "Jack Reacher 2", "Barry Seal") aura suffi à convaincre Tom Cruise de viser la capitalisation bas de plafond sur la seule franchise susceptible de le garder en tête du box-office ? Oui ou non, on s’en fiche un peu. Toujours est-il que "Fallout" ne fait qu’élargir la consistance chaotique d’un "Rogue Nation" dont le degré de fluidité et de consistance narrative avait atteint son zénith dans un final que l’on garde encore en mémoire. Aller plus loin et plus haut après une réussite aussi dévastatrice nécessitait d’évoluer vers d’autres cimes, tant thématiques que conceptuelles. Or, Christopher McQuarrie ne fait ici que se reposer sur tout ce qu’il avait développé précédemment, avec une manipulation encore plus tarabiscotée (bon courage pour piger quoi que ce soit au pourquoi du comment lors de l’introduction des enjeux !), un vilain joué par Sean Harris qui n’a plus rien à défendre (si ce n’est avoir l’air encore plus sournois et cruel), des jeux de masques cette fois-ci bien trop tordus et parallélisés pour ne pas mettre à mal notre suspension d’incrédulité, et des ficelles narratives à la lisière de la facilité grossière – surtout celle qui rend la scène finale extrêmement sensible pour cette tête brûlée d’Ethan.
Tout dans "Fallout" évoque une redite au carré où la formule compte davantage que le théorème. Chaque scène du film est cimentée à la manière d’un passage obligé où la notion de « surprise » n’est plus à l’ordre du jour et où, dans la plupart des cas, la citation sans affect a force de loi sans pour autant paraître justifiée (quel intérêt y avait-il à évoquer la Vanessa Redgrave du premier film au détour d’un dialogue cryptique sans aucune utilité ?). Sans parler du fait que son enjeu humain, à savoir le dilemme de l’espion écartelé entre le sens du sacrifice et la préservation du facteur humain, frise désormais la tautologie : combien de films – à commencer par les anciens épisodes de la saga – se sont déjà pris la peine d’explorer cela, et en mieux ? Face à ce chaos conceptuel désorganisé, il ne fallait donc compter que sur l’action pure et la dimension survitaminée du montage pour ne pas subir le pire ennui possible. Là-dessus, pas de souci : les 148 minutes foncent à une vitesse diabolique, mélangeant le très bon (un duel d’hélicoptères, une poursuite motorisée dans Paris…) et le moins bon (un plan-séquence aérien visuellement hideux) dans un gros tourbillon d’action qui hausse un peu plus le taux de violence et de sadisme à l’écran. Les acteurs, de leur côté, jouent chacun leur partition avec le professionnalisme adéquat, même si Tom Cruise lui-même semble engoncé dans une mécanique trop pépère. On verra bien où la franchise le mènera après une semi-déception de cet acabit, mais peut-être qu’oser le film-somme sans idée nouvelle indique que le point final est de rigueur.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur