MINARI
Un portrait tendre sur le désenchantement et le déracinement
Jacob installe sa famille dans l’Arkansas afin d’y établir une ferme qu’il espère prospère. Mais entre l’arrivée de sa belle-mère, les complications liées à l’exploitation agricole et sa relation distendue avec sa femme, tout ne sera pas aussi simple que prévu…
Le multi-récompensé "Minari" débarque enfin sur nos écrans ! Dans cette chronique familiale sobre et intime, Lee Isaac Chung pioche dans ses propres souvenirs pour peindre le parcours d’un foyer d’origine sud-coréenne plongeant dans l’american dream. La caméra suit ainsi le parcours de Jabob, de sa femme, et de ses deux enfants venant s’installer dans le fin fond de l’Arkansas, afin de cultiver « la meilleure terre ». Lui est un idéaliste rêveur, persuadé que ce nouveau départ sera le début de la prospérité pour les siens ; Elle, est beaucoup plus pragmatique, a totalement conscience que son mari s’est lancé dans un pari fou, incertain, et que les promesses de richesse risquent de se transformer en désillusions. Les tensions montent dans le couple, et les chimères de succès s’évaporent au fur et à mesure des jours passés à bêcher la terre en vain. Dans leur mobile-home posé sur des parpaings, ils survivent, affrontent des tornades, aussi bien littéralement que métaphoriquement, attendant patiemment des lendemains meilleurs.
Drame social plus que mélo larmoyant, le film est un petit bijou d’équilibre, un savant mélange entre la grande fresque et le petit conte familial, entre la noirceur d’un quotidien et la chaleur des paysages du Sud. Poignant et magnifié par le score d’Emile Mosseri (à qui l’on devait déjà l’excellente bande originale de "Kajillionnaire"), "Minari" ose les temps longs, allonger les séquences pour faire jaillir l’émotion du détail jusqu’alors anecdotique. En résulte une œuvre solaire bercée par des réflexions sur les croyances et l’enracinement, cette difficile intégration pour devenir citoyen d’un pays où chacun voit en eux de simples étrangers. Sauf peut-être, Paul, ce voisin un brin illuminé, portant la Croix de Jésus sur le dos les dimanches, chassant les mauvais esprits la semaine, mais désirant avec sincérité le meilleur pour ses nouveaux amis.
Lorgnant du côté de Terrence Malick, sans jamais sombrer dans la démonstration esthétique comme le font trop souvent ceux qui veulent s’inspirer du cinéaste des "Moissons du Ciel", le métrage repose également fortement sur la prestation de ses comédiens dont il aime capturer les émois en gros plans. Si Steven Yeun ("Burning", "The Walking Dead") est parfait, tout comme Alan S. Kim dans le rôle de cet enfant débordant de vie malgré son problème au cœur, c’est bien la prestation de Yuh-Jung Youn qui sort du lot. L’Académie des Oscars ne s’y est pas trompée en lui remettant la statuette de la meilleure actrice dans un second rôle, tant celle-ci éblouit la pellicule sous les traits de cette grand-mère fantasque. Authentique, parfois drôle, souvent déchirant, "Minari" fait partie de ces films dont l’élégance se transforme en grâce, où la simplicité apparente du récit et de ses enjeux est en réalité éminemment complexe et profonde. À ne surtout pas manquer !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur