LES MESSAGERS
Témoignages de migrants
Hélène Crouzillat et Laetitia Tura ont choisi un dispositif simple et épuré. Le film s'ouvre sur de nombreuses images fixes de plages, certaines jonchées de carcasses de navires, pour ensuite laisser la parole à de migrants, capturés ou ramenés par les marocains, survivants d'une nage vers la mort. Témoignant face ou dos à la caméra, ils racontent leur rapport à la barrière qui les sépare de l'Europe, qu'elle soit réelle (la triple barrière physique, faite de grillages et barbelés) ou fictive, accompagnée des zodiacs des marines espagnole ou marocaine.
Pour donner un peu de perspective, les réalisatrice entrecoupent ces interviews, par le discours officiel des autorités (malheureusement uniquement espagnoles... le point de vue des marocains eut été intéressant), récitant leurs objectifs de gestion d'une frontière, bien loin de l'humain, tout en affichant un ironique but de « ne pas blesser ». Côté migrants, les mots sont durs (on les a "jetés" ni plus ni moins à la frontière) et ont leur importance. Et les silences en disent long sur le souffrance.
Les récits de nombreuses noyades se succèdent, se focalisant sur le comportement des policiers et des bateaux issus des deux côtés, dénonçant une « chosification » de l'être humain. Et en filigrane se dessine un double enseignement, autour du message envoyé aux immigrants (en résumé : si vous tentez de passer la frontière, la noyade « peut vous arriver »), aussi efficace qu'une barrière, et sur leur caractère même de messagers d'une époque. Un film âpre et sincère, qui souffre tout de même d'un relatif manque de contextualisation quant aux parcours des migrants eux-même.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur