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MENSONGES D'ÉTAT

Un film de Ridley Scott

Un Américain à Amman

Ancien journaliste blessé pendant la guerre en Irak, Roger Ferris est recruté par la CIA pour traquer un terroriste basé en Jordanie. Afin d’infiltrer son réseau, Ferris devra s’assurer le soutien du chef des renseignements jordaniens en se protégeant des mauvais coups de son immédiat supérieur hiérarchique à la CIA, Ed Hoffman…

Malgré quelques errements de parcours, Ridley Scott n’a plus à prouver ses grandes qualités de metteur en scène, même si sa carrière autrefois extraordinaire (« Alien », « Blade Runner », « Gladiator ») apparaît désormais plus en dents de scie (« Les associés », « Une grande année »). Le britannique connaît son métier et, fort heureusement, ne s’en laisse pas imposer par le style trop surfait de son frère Tony qui, lui, dérive explicitement vers le grand n’importe quoi. « Mensonges d’État » s’avère un très bon film d’action ; son intensité et sa force visuelle emportent l’adhésion ; mais il lui manque un petit quelque chose pour toucher à l’excellence, ce petit quelque chose que Scott peine à intégrer dans ses œuvres depuis l’après « Gladiator ».

Qu’importe : il serait dommage de bouder le plaisir pris à la vision de ce film d’action high tech, filmé au cordeau, tiré à quatre épingles ; dont le scénario, dû à William Monahan (« Kingdom of Heaven ») et adapté du livre de David Ignatius, « Body of Lies », ne laisse que rarement le souffle retomber ; dont la photographie, travaillée au corps par Alexander Witt, s’accorde logiquement à l’atmosphère poussière et âpre des rues jordaniennes ; et dont les comédiens, Di Caprio en tête, ayant été jusqu’à apprendre à parler arabe, Crowe à ses talons, fort de sa bedaine et de son oreillette toujours branchée, font encore des miracles, et bien leur en prend, car la crédibilité du film tient entièrement à leur capacité à nous convaincre. A leurs côtés, Mark Strong, mystérieux et inquiétant dans le rôle du chef des renseignements jordaniens, impose tout doucement sa force tranquille par le biais des regards et des postures. Le drame ne se joue pas entre quatre murs, mais entre trois personnages, entre trois statures opposées, compensatoires.

Peut-être, alors, que cet infime élément qui fait défaut à « Mensonges d’État » n’est autre que l’engagement ; un volontarisme appuyé qui tisserait plus franchement les fils relationnels entre celui qui dirige (Crowe) et celui qui agit (Di Caprio), entre la tête (la CIA) et les jambes (les agents de terrain au Moyen Orient). Cet engagement est évoqué puis révoqué ; comme si Scott préférait s’en dédouaner. Est-ce grave ? Non : « Mensonges d’État » n’a pas la dimension pamphlétaire de « Lions et agneaux » et n’a donc pas de comptes à rendre. Le film se donne pour ce qu’il est et cela suffit largement au plaisir.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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