MEN AND CHICKEN
Au milieu des poulets, un conte totalement déjanté
Décidément, le mois de mai 2016 était le mois Mads Mikkelsen. Après avoir eu les honneurs de figurer parmi le jury de la soixante-neuvième édition du Festival de Cannes, le voilà tête d’affiche de l’ovni cinématographique de cette fin de printemps (voire de l’année). Parce qu’il faut bien le reconnaître d’emblée, on n’avait pas vu un tel programme depuis bien longtemps. Le beau gosse suédois joue Elias, un grand benêt au physique peu avantageux et aux problèmes intestinaux marqués. Lui et son frère vont partir à la recherche, sur une île isolée, de leur père biologique, généticien multipliant les expérimentations plus que douteuses. Soit le début d’un défilé délirant de « monstres » inattendus, et un postulat de départ bien barré.
Outre la performance remarquable de Mikkelsen dont la caméra épouse parfaitement le point de vue, cette farce caustique vaut avant tout pour l’univers loufoque dans laquelle le spectateur est plongé. Dans ce monde peuplé de faces patibulaires et d’êtres méchants et sales, où l’on se bat à coup de poêles et d’animaux empaillés, tout est délicieusement abject, au point de rendre ces protagonistes attachants. Car derrière cette bouffonnerie bien corrosive, se cache un courant plus dramatique où les questionnements se font plus profonds et où la comédie de mœurs remplace le vaudeville. C’est bien là la force de ce métrage satirique : réussir à rendre émouvants les individus les moins disposés à l’être.
Après les savoureux "Adam’s Apples" et "Les Bouchers Verts", Anders Thomas Jensen confirme ainsi tout le bien qu’on pensait de lui et sa capacité à fonder son humour noir ravageur sur le portrait burlesque de personnages atypiques. Inimitable et original, "Men and Chicken" n’en oublie pas pour autant d’embrasser les thèmes du bonheur, des liens familiaux, ou encore du déterminisme en mêlant sa forme ubuesque à un discours universel. Et cette fable sur fonds de poulets et de transformations génétiques de s’attaquer à la nature humaine comme rarement. Si le ton est parfois grossier, le résultat est bien loin de l’être. Fin et audacieux, le film est bel et bien une expérience à ne pas manquer !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur