MEDUSA
Médusant !
Un gang de jeunes dévotes lance des expéditions punitives contre les femmes qu’elles jugent impures. Mais à la suite d’un incident, les certitudes vont se fissurer…
L’ouverture de "Medusa" donne le ton : avec ce gang de jeunes femmes intégristes s’attaquant à d’autres femmes, la sororité n’est pas une garantie de progressisme féministe, elle peut aussi être toxique ! On comprend également très vite que le film se vêt d’un style baroque aux couleurs saturées qui flirte tout autant avec David Lynch qu’avec John Carpenter ou le cinéma bis. Rien que pour ça, c’est kiffant !
Avec un goût prononcé pour l’étrange, la métaphore et les symboles (dont le titre faisant évidemment référence à la créature mythologique), certaines séquences peuvent laisser perplexe quant à leur signification (on l’est surtout en voyant quelques scènes se déroulant dans l’hôpital). Mais si on accepte le bizarre sans chercher à tout expliquer, il reste beaucoup de choses à retirer de cette œuvre jubilatoire.
Avec son deuxième long métrage, Anita Rocha da Silveira ("Mate-me por favor") attaque frontalement le péril de l'extrémisme évangélique dans le Brésil rétrograde de Bolsonaro. Elle met par exemple en scène une milice paramilitaire dont les membres, appelés « Veilleurs », n'ont rien à envier aux effrayants gardiens de la révolution iranienne. De chrétiens à crétins, il n'y a qu'un pas que ces fondamentalistes franchissent allègrement sans avoir conscience de leurs contradictions : ces gens-là vénèrent la pureté tout autant que la superficialité des apparences (maquillage, chirurgie esthétique, etc.) et plaident pour le respect des femmes tout en avilissant leur entourage féminin dans une abjecte logique patriarcale. Les masques en tout genre sont ici le symbole de l'hypocrisie religieuse.
Si "Medusa" glisse çà et là dans la caricature, ce n’est pas tant pour faire rire que pour souligner le grotesque d’une réalité dont les traits ne sont peut-être pas si grossis que ça par le film. Ainsi, on peut légitimement avoir froid dans le dos en entendant les chansons béates à la gloire de la religion, en assistant aux prêches hallucinants du pasteur, ou en découvrant les tutoriels maquillage à destination des croyantes. Entre émancipation des unes et embrigadement des autres, Anita Rocha da Silveira livre une œuvre furieusement voltairienne et féministe.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur