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MEDITERRANEA

Un film de Jonas Carpignano

Envoyé Spécial : la misère clandestine en Calabre

Ayiva a récemment quitté le Burkina Faso afin de survenir aux besoins de sa sœur et de sa fille. Sa position dans une opération de contrebande lui offre l’occasion de quitter le continent africain avec son meilleur ami Abas. Au terme d’un long et périlleux périple, les deux hommes arrivent enfin en Italie et tentent alors de s’adapter à leur nouvelle vie. Mais lorsque des tensions apparaissent avec la communauté locale, leur situation devient dangereuse…

Considérer que le cinéma a notamment pour utilité d’être témoin du réel est une chose, mais se limiter à ce parti pris sans proposer des images inédites en est une autre. C’est bien là le problème du premier long métrage de Jonas Carpignano, une fois encore attaché à explorer un cas d’infortune chez les immigrés, ici sans nouveau témoignage visuel susceptible d’enrichir le sujet. Au bout de dix minutes de métrage, le sort du film semble presque scellé, la narration se limitant à juxtaposer ce qui peut s’apparenter à des images déjà vues (au mieux) ou à des passages obligés (au pire). Soit le parcours de deux burkinabés vers l’Italie, avec ce que cela comporte de problèmes sur la route (être assis sur le toit d’un camion surchargé), dans le désert (se faire piller par des djihadistes armés) ou sur la mer (embarquer sur un bateau sans certitude d’être secourus par les gardes-côtes). Le film est dans l’air du temps, c’est évident. Mais ces images ont déjà été vues, trop vues, ne serait-ce qu’au travers des journaux ou documents télévisés. Et comme faire un film diffère de tourner un reportage pour Envoyé Spécial, ça devient vite un problème.

Pour autant, "Mediterranea" ne se résume pas à un film sur le danger et la tragédie des traversées clandestines, mais s’attache, bien au contraire, à épouser un trajet humain à des fins topographiques. D’où un scénario qui, une fois cette première demi-heure évacuée, se concentre sur les désillusions de nos deux héros en Italie. Hélas, là encore, la sensation d’un reportage filmé – parfois avec une certaine efficacité – prime sur l’agencement de plans symboliques et travaillés. Économie difficile, problèmes de logement, prostitution, xénophobie, travail mal payé et lorgnant vers l’esclavagisme : Carpignano ouvre alors grand le classeur des misères inhérentes aux immigrés, certes pour mieux insister sur l’ambiguïté des rapports entre les locaux et les clandestins (seule idée intéressante de l’intrigue), mais sans le moindre point de vue de mise en scène. Il faut donc attendre l’émeute finale à la "Ma 6-T va crack-er" – pour le coup dynamique et émotionnellement prenante – pour que ce film-document prenne enfin un peu de relief. Peut-on s’en contenter ? Hélas non.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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