MÉDECIN DE NUIT
Oiseau de nuit
Mikaël, médecin de nuit, est dehors six soirs par semaine, au grand désespoir de sa femme, avec laquelle il s’engueule en anglais, pour éviter que leurs enfants ne comprennent. Il est notamment l’un des rares à accepter de soigner des toxicomanes, quitte à les recevoir en consultation dans sa voiture. Comme il délivre régulièrement des ordonnances de Subutex, produit qui évite les symptômes du manque, il se retrouve sous la menace d’une enquête de l’ordre des médecins. Un soir, il se fait agresser par un drogué lui réclamant une ordonnance d’un autre produit, qu’il ne veut plus prescrire…
"Médecin de nuit" est un portrait baigné d’une remarquable tension, décrivant un homme dont les arrangements avec la déontologie l’entraîneront progressivement à la frontière du danger. Ni blanc, ni noir, Mikaël assiste les malades des quartiers difficiles, il aide les drogués en souffrance (on le surnomme d’ailleurs le Saint des Toxicos) tout en se méfiant d’eux, il envoie des clients à son cousin, pharmacien installé sur le point de se marier, a une femme et deux enfants qu’il délaisse et ne s’entend plus avec sa maîtresse. Vincent Macaigne ("La Fille du 14 Juillet", "Le Sens de la fête", "Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait") trouve en ce personnage un véritable grand rôle, dans lequel il impose une présence rare, ponctuée d’éclairs de rage.
Car le scénario co-signé entre Agnès Feuvre et Elie Wajeman (dont c’est le troisième long après "Alyah", "Les Anarchistes"), fait progressivement ressortir ses aspects les plus lumineux, alors que l’environnement autour de lui s’assombrit. Descente aux enfers d’un homme malmené, pris en étau entre des intérêts qui le dépassent, "Médecin de nuit" parvient à capter la force et l’aveuglement liés à un instinct de survie qui rend capable du pire. Il interroge aussi avec justesse la question de la droiture, de la capacité à faire des choix, et de la rédemption, embarquant au passage dans ceux-ci les deux personnages secondaires du cousin (Pio Marmai, parfait d’ambiguïté) et de la maîtresse (Sara Giraudeau, troublante femme libre).
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur