MARIANA
Une implacable radiographie d'une collaboration passive
Mariana, la quarantaine passée, étouffe dans son couple, et se rapproche progressivement de son professeur d’équitation de 60 ans, Juan. Découvrant que celui-ci est un ancien colonel, sous le coup d’un procès pour son rôle sous la dictature, elle se retrouve forcée de se poser des questions sur sa famille, et notamment sur le rôle de son propre père…
La réalisatrice chilienne du très joli "L'été des poissons volants" nous revient avec le portrait d'une femme contrainte à affronter les démons de sa propre famille. Située dans un Chili qui panse encore ses plaies, "Los perros" (devenu Mariana, du prénom de l’hùeroïne, pour sa sortie en salle, est une œuvre amer, à la beauté picturale flirtant avec le lugubre, pour mieux signifier la noirceur de l’âme humaine.
Dans une sublime lumière, Marcela Said filme ainsi son actrice principale avec une certaine complicité, magnifiant son regard perdu, donnant à voir ses accès de rébellion face au machisme ambiant et à la tentation persistante de l'autoritarisme. Elle raconte l'asphyxie progressive d'une femme (et potentiellement d'un pays) qui a encore du mal à regarder en arrière. Le scénario, vénéneux, oblige son personnage à se confronter à sa propre attitude vis à vis des devoirs de mémoire et de justice. Une interrogation qui contamine, au fil du récit, le cerveau même du spectateur, pris à témoin des agissements de cette femme et de son entourage.
Sans juger, en cultivant l'ambiguïté, grâce à une actrice impeccable (Antonia Zegers, vue dans "El club" et "Santiago 73, Post Mortem" de Pablo Larraín), elle réussit une œuvre subtile où se mêle le doute, l'aspiration à un futur meilleur et la peinture d'une société où la domination masculine semble plus que jamais ancrée. Créant une ambiance de fin d’époque, "Mariana" s’avère au final, une cruelle évocation du dénie de responsabilité, de la complexité de l’être humain, de la capacité de résistance, et des méandres de la prise de décision. Un film amer, qui vous hante longtemps.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur