MARGUERITE ET JULIEN
Un Donzelli en fable mineure
Pour Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, l’amour est une histoire de fusion, dans la vie comme à l’écran. Littéralement physique dans "Main dans la main", obsessionnelle dans "La Reine des pommes", ou meurtrie face à la maladie dans "La Guerre est déclarée", cette symbiose unit à présent Marguerite et Julien dans un amour qui lui a fusionné du fraternel au charnel. Leur histoire, vieille de 400 ans est réincarnée ici sous la forme d’un conte, que des petites filles se racontent le soir, dans le dortoir d’un pensionnat. Cette ellipse, mi-rumeur, mi-récit permet à Valérie Donzelli d’évoquer ce fait réel sans se soucier des détails historiques.
Cette destinée, on ne peut plus romanesque, d’un amour innocent si fort qu’il en devient interdit, était à l’origine un scénario de Jean Gruault destiné à François Truffaut. Jugé trop dans l’air du temps en pleine révolution sexuelle des années 1970, le projet fut abandonné. Valérie Donzelli le concrétise aujourd’hui, mais au final on se demande si il n’aurait pas mieux valu qu’elle l’abandonne aussi.
En effet, la cinéaste d’habitude si virtuose, semble ici figée dans une histoire qui n’est pas sienne. Visiblement séduite par l’idée de réaliser un grand film romantique, elle se contraint malgré elle à un classicisme de circonstance, en se concentrant uniquement sur la narration des faits. Elle bride la fantaisie qui fait sa force, se contentant simplement d’habiller son film de musiques pop et d’anachronismes purement décoratifs : voitures seventies, radio, micro high-tech et un hélicoptère - hommage évident à "Peau d’âne" de Jacques Demy.
Malheureusement, à l’inverse de cette mythique référence, "Marguerite et Julien" peine à assumer le côté fleur bleue qu’inspire les amours impossibles des romans d’antan. On aurait tant aimé qu’elle lâche les chevaux, qu’elle nous emporte avec de grandes envolées lyriques dans cette fuite sans issue, malheureusement, le film passe, scolaire et linéaire, survolant les passions et les déchirures, comme une simple évocation d’un fait divers passé. Dommage !
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur