MANGLEHORN
Peinture subtile d'un homme amer et sans élan
Capable de nous offrir des petites perles, entre amertume et positivisme, entre routine assassine et beauté de la découverte ou de la rencontre ("Prince of Texas"), le cinéaste américain David Gordon Green avait quelque peu déçu l'an dernier avec le très sombre "Joe", pourtant porté par un Nicolas Cage au talent retrouvé. Le voici qui présentait au Festival de Venise 2014, un nouveau film en forme de portrait, ou l'histoire d'un homme vieillissant, aigri à cause d’une histoire d'amour contrariée, et voyant la retraite arriver en se demandant ce qu'il va bien pouvoir faire.
Si le film est l'occasion d'un nouveau grand numéro d'acteur de la part d'un Al Pacino qui irradie l'écran, c'est surtout à l'histoire d'une dernière chance que nous invite le scénariste. Dernière chance d'aimer une autre femme (une guichetière de banque) et de faire la paix avec un fils devenu presque un rival malgré lui. Présentant l'homme dans son incapacité à s'extraire de sa logique nostalgique, le film dresse le portrait touchant d'un monstre d'égoïsme assumé, laissant finalement peu de place aux autres, dans la solitude qu'il s'est aménagée.
Avec de simples dispositifs de mise en scène, comme l'utilisation de ralentis contrastant avec l'animation alentour, Gordon Green montre tout le décalage de son personnage, incapable d'avancer à nouveau dans sa vie, mais se saoûlant pourtant de bruit pour oublier sa solitude. En quelques scènes de face-à-face, avec ce fils qu'il ne voit jamais ou avec cette femme qu'il drague avec désinvolture, c'est toute la colère, la déception et finalement la perdition du personnage que l'auteur donne à voir avec justesse. Et au final "Manglehorn" s'affirme comme l'histoire d'un homme à la dérive, qui prône une réaction salvatrice et réaffirme qu'il n'est jamais trop tard.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur