Festival Que du feu 2024 encart

MALCOLM

Un film de Ashley Cahill

C’est arrivé loin de chez nous

Un intellectuel new-yorkais glose sur la vie, la culture et Samuel Fuller dans la Grande Pomme, devant la caméra d’un documentariste, tout en assassinant sauvagement des victimes choisies pour leur gueule ou parce qu’elles l’ont mis en colère…

« Malcolm » est le représentant d’un cinéma-guérilla qui a tendance à disparaître des circuits de salles pour notre plus grand malheur. Tourné en catimini dans les rues de New York avec une équipe réduite à la portion congrue, adoptant le style du documentaire factice pour gagner en efficacité technique, « Malcolm » a le goût et la couleur de la production underground des années soixante, plus proche de John Cassavetes et du De Palma des débuts (« Greetings », « Hi Mom ! ») que de Samuel Fuller, auquel Ashley Cahill dédie pourtant ce gros chou à la crème. L’autre référence, par trop évidente, c’est notre francophone « C’est arrivé près de chez vous » du regretté Rémy Belvaux, ce faux-docu et vrai trauma venu de Belgique en 1992 avec Benoît Poelvoorde dans le rôle du célèbre tueur en série, poète à ses heures. La ressemblance est d’ailleurs tellement frappante, tant pour le sujet que pour certaines séquences, que l’absence d’hommage au modèle belge tient quasiment du plagiat. Voilà une première raison de tiquer.

Affublé d’un prénom qui fait référence à l’acteur principal d’ « Orange mécanique », Malcolm McDowell, à ne surtout pas confondre avec le héros de la série TV éponyme, ce jeune dandy tueur déploie une rhétorique révolutionnaire visant à faire naître la révolte par la violence gratuite. Le cameraman et le réalisateur qui le suivent n’interviennent que tardivement dans ses affaires (et encore, pour le pousser dans les derniers retranchements de la violence), car leur rôle consiste à graver sur pellicule une sorte de manifeste anarchiste destiné à éduquer les masses de la plus extrême des manières. Le thème sous-jacent surgit au détour d’une discussion entre trois personnages dans un café, lorsque la jolie Française Sofia argue des bienfaits de l’inconfort dans une société nourrie d’apathie et d’indifférence : il faut secouer le cocotier d’une existence léthargique afin de réveiller l’énergie qui sommeille en nous, et le meurtre gratuit en sera le déclencheur.

Dans un pays dont le quotidien est rythmé par des fusillades meurtrières terrifiantes – la dernière en date à Newtown – la sortie de ce petit film résonne avec ambiguïté. Au-delà du radicalisme cynique de son personnage, il y a plus de malsain dans « Malcolm » qu’il n’y a d’humour noir, un écueil que « C’est arrivé près de chez vous » parvenait avec brio à éviter en trouvant l’équilibre tonal parfait. Si l’on trouve quelques échos du récent « God Bless America » dans le caractère soupe-au-lait de Malcolm, notamment lorsqu’il noie un type qui envoyait des SMS pendant une séance de cinéma, on sort de cette projection avec un goût amer dans la bouche, que le temps ne parvient pas à dissoudre. Que ce problème de tonalité, néanmoins, ne décourage pas Ashley Cahill, qui réalise ici son premier long-métrage, dont il est également l’acteur principal, le scénariste et le monteur : il y a du talent dans cette écriture à la Woody Allen, mais trop d’ambiguïté dans le fond et sur la forme, et trop de ressemblance avec son modèle belge, une fois.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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