MAINS BRUNES SUR LA VILLE
Pourquoi, FN, obtiens-tu des voix ?
Les deux auteurs ont la très noble intention d’enquêter sur la façon dont le FN s’est emparé des mairies des villes du sud. Avec leurs caméras et leurs micros, ils sont partis à la rencontre des protagonistes et ont interrogé à gauche et à droite. Notre intérêt est donc instantanément éveillé. Comme l’on pouvait s’y attendre le ton monte souvent avec les locaux, dont les autorités FN élues qui ne sont pas très ouvertes à la discussion, reprochent aux journalistes de systématiquement déformer leurs propos.
Tristement, le début n’est à cet égard pas très instructif, car il aborde un sujet que trop connu, même s’il a le mérite de mettre les pieds dans le plat. La fin est par contre à la fois choquante et instructive. Les auteurs vont dans des banlieues qui ne sont pas entretenues, et dont les habitants sont concrètement mis à l’écart des centres villes puisque les lignes de bus n'y parviennent pas. Les immeubles et les jardins sont dans des états de dégradation avancés. Cela permet à la mairie de montrer à quel point selon eux, les immigrés ne prennent pas soin de leurs biens. À l’inverse, ceux-ci constatent que la mairie les a volontairement oubliés, que du verre brisé est laissé dans les pelouses où les enfants jouent. Quand les habitants demandent aux policiers comment leurs enfants peuvent jouer dehors si l’endroit n’est pas nettoyé, les policiers répondent que les enfants n’ont pas à être « dehors ».
Bref, comme le dit un des protagonistes du documentaire, la mairie entretient savamment cette « crasse », ces zones dans des états de dépravation avancée, telles un fond de commerce, pour montrer cette pseudo violence toujours bien présente, et pour continuer à alimenter son argumentaire de campagne. Car si la sécurité fait ses preuves, a contrario si tout allait mieux, pourquoi faire craindre encore et toujours l’insécurité, si les résultats sont là ? Pour preuve d’une campagne absurde, alors que des résultats officiels probants sont annoncés, faisant fi d’une politique qui marche, un couvre feu est décrété durant tout l’été pour les jeunes. Et les rares larcins sont brandis tels des étendards d’un mal qui ne saurait s’éteindre, mais qui est bien évidemment maîtrisé par la police. Cela met d’ailleurs autrement en perspective la politique de Nicolas Sarkozy, dont l’insécurité a toujours été un des fers de lance, et dont le mécanisme politique est aujourd'hui plus visible.
Les auteurs du film proposent ce sujet formidable et assez punchy, mais manquent paradoxalement d’un peu de modernité dans leur façon de faire. La voix-off est d’ailleurs particulièrement monotone. On pourrait comprendre un désir d’adopter un ton neutre, car avec un sujet comme celui-ci l’émotion peut vite l’emporter, mais la voix-off casse tout rythme. Beaucoup d’images de villes sont elles aussi lamentablement ennuyeuses. Il est normal que les auteurs alimentent leur récit avec des images des lieux, mais celles-ci freinent souvent le rythme, au lieu de le soutenir, et l’on a par moments la malheureuse impression que le documentaire est destiné à des plus de 60 ans qui voudraient terminer leur sieste. C’est sacrément dommage.
Ivan ChaslotEnvoyer un message au rédacteur