MAESTRO(S)
Deux formidables interprètes pour des relations familiales complexifiées par la réussite
Alors que Denis, son fils, vient de remporter une Victoire de la Musique Classique comme chef d’orchestre, son père, François Dumar, lui-même chef d’orchestre renommé, regarde l’événement à la télé depuis chez lui, puis a du mal à cacher son agacement lors de son anniversaire, le lendemain. Averti par téléphone qu’il a été retenu pour diriger l’orchestre de La Scala de Milan, ce qui représenterait l’apogée de sa carrière, François jubile ouvertement et se rêve déjà en Italie. Mais Denis, au départ content pour son père, apprend lors d’un rendez-vous professionnel dans le salon d’un hôtel, que c’est en fait lui qui a été retenu pour le poste. Il va devoir annoncer la nouvelle à son père, et rêve déjà que sa compagne devienne son premier violon…
Découvert en avant-première au Festival d'Angoulême, "Maestro(s)", nouveau film de Bruno Chiche (les sympathiques "Barnie et ses petites contrariétés" et "Je n'ai rien oublié", et la comédie ratée "L'Un dans l'Autre"), joue sur deux dilemmes auxquels va devoir faire face un fils, chef d'orchestre comme son père : annoncer à son père qu'il y a eu une erreur et que c'est lui qui a été choisi pour diriger l'orchestre de la Scala de Milan à sa place, et apprendre à sa nouvelle compagne (l’un de ses principaux violons) qu'une autre soliste, bien plus connue, a déjà été retenue pour être son futur premier violon. Deux décisions susceptibles de briser des rêves, mais aussi de faire empirer la relation déjà difficile qu’il entretient avec son père, et surtout de signer la fin de son nouveau couple (son ex-femme étant devenue quant à elle son agent, et ayant forcément son mot à dire sur ses propres décisions).
Le scénario, impeccablement construit et finement dialogué, convoque à la fois les rancœurs et jalousies autour de la notion de réussite et de célébrité, mais aussi des perspectives peu réjouissantes pour des bourreaux de travail, face à la retraite à venir ou aux conséquences de choix professionnels sur leur vie privée. Pierre Arditi compose avec brio un père ayant du mal à cacher sa jalousie envers son fils, et pour lequel les rapports à l’argent ou à la situation sociale semblent avoir remplacé ceux réellement affectifs. Face à lui, Miou Miou joue avec retenue les compagnes désarçonnées, tentant d’incarner la voix de la sagesse. Quant à Yvan Attal, il incarne ce fils pris en étau de toutes parts, dont le manque de courage pourrait bien faire empirer les choses. Pascale Arbillot en ex-femme devenue agent, Caroline Anglade en violoniste sachant lire sur les lèvres, André Marcon, en recruteur distant, et Nils Othenin-Girard (récemment vu dans "Couleurs de l'incendie") en petit fils au personnage très bien construit, complètent le casting haut de gamme de ce drame émouvant sur la transmission, doté d’une bien belle conclusion.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur