MADEINUSA
Un mot suffirait: dérangeant!
Le ton est donné dès les premières minutes: des traditions extraverties et incompréhensibles, un jeune homme perdu, une jeune fille naïve, un fond d'inceste... Le plus dérangeant sera de ne pas savoir ce qu'il y a de totalement fictif et ce qui tient du documentaire. Seules des interviews de la réalisatrice permettent de répondre: elle s'est inspirée de traditions existantes pour les réinterpréter et créer un monde totalement imaginaire. Il est indispensable de se mettre cela dans la tête au moins après la vision du film pour ne pas prendre tout au pied de la lettre et croire que ça se passe comme ça là-bas! Bref, revenons à nos moutons...
Au départ, ceux qui ont vu "B-Happy" comme moi ont peut-être l'impression (ou l'envie?) de se retrouver face au même type de personnage et de destin. Mais le côté délirant du folklore mis en scène ici apporte un style totalement différent par rapport au film chilien. On peut aussi croire ou espérer un pendant péruvien aux films déjantés de Kusturica mais le rythme plus lent et la présence d'une atmosphère beaucoup plus glauque auront aussi raison de cette tentative de parallèle cinématographique! Peut-être alors faut-il chercher du côté du "Délivrance" de Boorman pour trouver une comparaison plus intéressante d'un point de vue des sensations pesantes et intrigantes.
Toujours est-il que le film dérange. Il fait aussi sourire parfois. Mais globalement, on n'est pas très à l'aise face à la débauche de ces coutumes fictives! Les réflexions n'en sont pas moins intéressantes sur la religion (syncrétisme; superstitions...) et sur les rapports sociaux (le pouvoir et le clientélisme; l'inceste, dont on comprend qu'il n'est pas mal considéré dans une société qui en a l'habitude!). Malheureusement, le film échoue sur une chose importante: la performance des deux acteurs principaux (Madeinusa et Salvador) est beaucoup trop fade (surtout lui) pour susciter une quelconque émotion ou sympathie à l'égard de leurs personnages. La froideur de l'atmosphère l'emporte donc malheureusement sur la chaleur des couleurs et sur la gravité du propos. Mais peut-être est-ce cela qui rend le film d'autant plus déroutant...
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur