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MADAME BOVARY

Un film de Sophie Barthes

Suicide à l’ellipse

En France près de Rouen, une jeune femme innocente fraîchement sortie du couvent est promise à un médecin de campagne, Monsieur Charles Bovary.
Pensant vivre ainsi les passions et les aventures auxquelles elle aspire, Emma Rouault devient ainsi Madame Bovary et part s’installer avec son nouveau mari en dehors de la ville. Mais très vite gagnée par la désillusion d’une vie monocorde à la campagne, Madame Bovary va tenter d’échapper à son destin et ainsi s’ouvrir à de nouvelles fréquentations aux cotés d’un duc, d’un clerc et d’un commerçant.

Présenté à Deauville 2009, le premier long métrage de Sophie Barthes "Âmes en stock", nous avait clairement laissé un souvenir mitigé, une sorte de potentiel mal exploité. Six ans plus tard, même festival et même réalisatrice, nous découvrons son deuxième long métrage solo, à savoir le sixième "Madame Bovary" de l’histoire du cinéma, parallèlement adapté au moins trois fois à la télévision. En bref, Sophie a tenté de faire du neuf avec du vieux. Se risquer à une énième interprétation de Madame Bovary pourrait être assimilé à de la folie : il n’empêche que lorsque Sophie Barthes a reçu le script, elle a pensé pouvoir amener quelque chose de différent, voir stimulant. Pari réussi ?

Le film nous conte la vie d’Emma Rouault, devenu Bovary. Contrairement à l’œuvre originale où l’auteur présente différents points de vue, Emma est le personnage clef autour duquel tout gravite : à commencer par son insipide mari (Henry Lloyd-Hughes), ses amants et son vendeur de robes préféré. C’est appréciable mais voici la première chose qu’on reproche au film et peut-être bien la seule : pourquoi avoir concentré sur un an seulement les événements qui ont conduit à la tragique mort de cette maniaque du shopping. Une seule toute petite année lui a suffit à perdre patience et à perdre la boule. Et très honnêtement pour le spectateur, s’il n’y avait pas eu la saison de l’automne à la suite de l’été, on aurait eu l’impression qu’il s’était passé deux semaines entre son arrivée à la campagne et sa mort. Comment arriver à croire à une déchéance et un désespoir aussi rapide ? Les folies de l’amour et la soif de la consommation ne sont-elles pas des choses qui nous rongent à petit feu ?

Mais au-delà de cette trame narrative sur un an, la tragique histoire pour le spectateur est qu’on ne ressent rien et qu'on ne vit pas l’action. Alors oui, par moment la tête à claques de Madame Bovary qui pense que tout lui est dû nous fait réagir et nous rappelle peut-être des personnes de notre entourage mais globalement c’est l’électrocardiogramme plat.

Certes, la reconstitution est réussie (notamment les costumes et accessoires), son beau casting crédible (à l’exception d’Ezra Miller qui ne colle pas au personnage de Léon) et Barthes tire quelques réflexions intéressantes sur les notions de commerce (au-delà des traditionnelles questions sur l’amour), le besoin de s’afficher avec de belles robes, la multiplication des crédits suivie de l’endettement. Elle nous raconte donc cette vie un peu grise d’une nana qui essaye d’oublier ses choix en égayant sa vie avec des robes colorées… Mais finalement, Madame Bovary, aurait dû être beaucoup plus complexe. Ce n’est pas juste une femme qui trompe son mari et achète des fringues, c’est une femme profondément torturée et prise au piège avec une vie ordinaire qu’elle n’avait jamais envisagée. Et, avouons-le, on ne ressent jamais cela dans le film.

Les choix de Sophie Barthes ne sont pas tous mauvais : commencer le film avec la fin est toujours un peu risqué mais nous donne le ton d’entrée de jeu ; ceci nous évitant complètement de considérer Madame Bovary comme une petite effrontée à papa qui pratique le suicide à chaque désillusion. Néanmoins, ses raccourcis et sa ligne de temps trop courte ne permettent pas de comprendre comment cette héroïne passe de la désillusion à la destruction pour finalement arriver à la mort. Si l’unique motivation de Barthes était de réussir à reproduire une époque authentique, c’est chose faite. Pour le reste, on repassera.

Jean-Philippe MartinEnvoyer un message au rédacteur

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