LOVELY BONES
Conte
Fauchée par un serial killer à l’aube de ses quinze ans, Susie Salmon se retrouve dans un entre deux mondes issu de ses rêves et de ses souvenirs, à assister aux conséquences de sa mort. Elle va devoir apprendre à laisser les siens en paix, tout en cherchant à se venger de son bourreau…
Rien n’est plus puissant, ou presque, que le pouvoir du conte. C’est sur cette approche décomplexée que Peter Jackson a brillamment bâti sa carrière. Et c’est encore une fois ce qui fait toute la force d’un petit miracle comme « Lovely Bones ». S’il a tout l’air d’un retour aux sources pour le Néo-zélandais barbu, son dernier métrage n’oublie jamais les trois mastodontes filmiques qui l’ont précédé, Jackson réutilisant sur un mode intimiste certaines idées de mise en scène de la trilogie du « Seigneur des anneaux » et de « King Kong ».
Aux premiers, surtout, auxquels le cinéaste emprunte son talent inné pour l’adaptation d’un récit qui ne lui appartient pas, grandement aidé par ses deux co-scénaristes Fran Walsh et Philippa Boyens. Tout n’est ici que cinéma, et cinéma seulement, Jackson et son équipe traduisant par le mouvement, le son et la métaphore visuelle l’écriture complexe du roman original. Mêlant les intrigues éparses (la famille qui cherche le deuil, la police qui piétine, son bourreau bientôt en quête d’une nouvelle victime) et les personnages secondaires avec une aisance remarquable, « Lovely Bones » joue du montage alterné (la plongée dans l’antre du mal mise en parallèle avec l’installation du repas dans sa famille) et du suspense pour accrocher le spectateur et le transporter dans son univers de fantasie. Toujours ludique dans leur approche, les transitions et les ellipses du récit permettent au personnage principal, magnifié par l’excellente et magnifique Saoirse Ronan (qui prouve, deux ans après « Reviens-moi », qu’elle a tout d’une grande), d’éprouver sa nouvelle condition, témoin malgré elle des suites du drame qui la concerne.
Et c’est là la toute la puissance du cinéma de Jackson, dont la croyance absolue en le médium cinéma lui permet toutes les audaces. Propulsant Susie Salmon dans d’époustouflants tableaux issus de son esprit (les peintures du bureau de son père prennent vie sous ses / nos yeux, bientôt habitées des souvenirs de la jeune fille), jouant des codes du cinéma d’horreur et du thriller hitchcockien (le tueur iconisé comme un vrai croquemitaine de conte de fée, puis comme un cousin terrifiant du Norman Bates de « Psychose »), « Lovely Bones » n’hésite jamais à en faire un peu trop, toujours emphatique et toujours sincère (voire même naïf diront certains cyniques mal attentionnés), son incroyable univers visuel et narratif restant toujours lié à la personnalité de son héroïne, adolescente curieuse et épanouie fauchée à l’aube de sa vie. Proche par moment du magnifique « Créature célestes », le film garde le même goût d’une situation réaliste (dans les personnages et leurs actes) traité dans le fantastique (dans la photo, la musique et les effet-spéciaux). La différence venant de l’expérience acquise par Peter Jackson depuis son premier film non gore, et qui permet au cinéaste d’investir son film de tout son culot, et de toute sa foi.
Il serait criminel d’en raconter plus sur cet exemple parfait de ce que devrait toujours être le cinéma : des grandes images au service d’histoires simples. Il aura fallu attendre cinq (longues) années avant que Peter Jackson ne revienne sur les écrans. Mais cela en valait la peine. Car si James Cameron est un prophète en son pays, Peter Jackson en est le plus grand des conteurs.
Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur