LOVE IS STRANGE
Deux acteurs touchants de complicité pour un film au ton désabusé
Ira Sachs, réalisateur remarqué en 2005 au Festival de Deauville avec "Forty Shades of Blue", avait remporté en 2011 le Teddy Award du meilleur film au Festival de Berlin, avec "Keep the Lights On", chronique des difficultés d'un couple. En choisissant de s'attaquer cette fois-ci à un couple vieillissant confronté à des difficultés financières et devant quitter leur « chez soi », on se doutait que le blues serait une nouvelle fois au rendez-vous, mais que l'humain serait au centre d'un récit forcément doux-amer.
Sans pour autant trop charger la barque, l'auteur a choisi de s'intéresser aux conséquences de cette vente, au delà du deuil d'un lieu de vie commune, que tous leurs proches connaissaient, et à une lente décrépitude annoncée. Délicatement, il s'attache à décrire des bribes du quotidien des deux hommes, contraints de squatter séparément chez différents amis ou parents (l'un son neveu et sa famille, l'autre un couple de flics gays). Au delà de la simple séparation et de la douleur masquée, il met en évidence, par petites touches et avec un humour subtil, la gêne d'occuper un espace étranger, les habitudes dures à perdre, et surtout les petites humiliations dues à la promiscuité ou à la différence d'âge.
N'évitant jamais les scènes de tendresse (l'excellent passage du lit superposé, la chanson interprétée ensemble au piano – « You got what it takes »...), ni de complicité, "Love is Strange" met progressivement les points sur « i » (la lettre aux parents d'élèves, lue en voix-off et envoyée ou non...), montrant l'impossibilité pour les proches, de s'immiscer réellement dans le fonctionnement du couple. Touchant par sa justesse de ton et la sincérité de ses messages, le film est porté par deux acteurs au sommet de leur art, John Lithgow et Alfred Molina, dont les petites manies et les différences patentes font la crédibilité.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur