LOUP ET CHIEN
L’envol de la jeunesse
Sur une île de l’archipel des Açores, sanctuaire pour les baleines, la jeune Ana, encore lycéenne, travaille comme guide pour les touristes. Son frère, Telmo joue les marins le jour, ramenant une pêche souvent ridicule, mais trempe dans des trafics la nuit tombée. Tous deux ont une petite sœur, et une mère qui s’inquiète quand elle n’a pas de nouvelles. Luis, ami d’Ana, qui lui est proche de sa mère mais distant avec son père, lui ouvre les portes d’un monde qu’elle ignorait…
Il souffle sur "Loup et Chien" un vent résolu de liberté, pour une jeunesse qui se sent « enfermée » sur son île, soumise à des traditions diverses, parfois sources de libération (comme le carnaval), parfois vécues comme des contraintes ancestrales, comme la procession à laquelle doit se joindre Luis avec son père, sorte de rituel viriliste auquel le jeune homme ne peut totalement se soumettre. En opposant à ces tentatives de faire rentrer la jeunesse dans un cadre étriqué, des moments de liberté mis en valeur par un ralenti sensuel (la scène dans le vestiaire), un ensemble de couleurs chaudes (la boîte de nuit…) ou fluos (une fête en rollers), ou un flou assumé (une baignade nocturne…), Claudia Varejão fait de l’émancipation un leitmotiv de ce film hypnotique.
Du côté de l’ami, c’est la question du masculin qui braque son entourage (il se fait maquiller, porte des colliers, s’habille en femme pour le défilé du carnaval…). De celui de l’héroïne, c’est l’orientation sexuelle qui devient affirmation, au sein d’une micro-société, où les croyances païennes et le patriarcat dominent, et voudraient guider l’existence. Mais la mise en scène, ses plans symétriques travaillés, ses avions qui décollent en oblique et qu’on observe tel un rêve d’indépendance, vient faire craqueler le moule, rapprochant discrètement les personnages d’une nature encore en partie sauvage (les cris de baleines et d’oiseaux lors de la baignade...).
Quant aux choix musicaux, d’un morceau de piano à une chanson classique comme "Porque te vas ?", en passant par une reprise du tube originel de Jeanne Mas "Toute première fois", ils impriment une ambiance toute particulière, synonyme de changement. Au fil du film, la phrase d’encouragement prononcée par une femme brésilienne résonne (« tout peut changer d’un instant à l’autre »), et le tatouage porté (« my body my rules ») prend tout son sens, incitant chacun à être soi, alors que le personnage principal se dirige vers son propre envol.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur