LORDS OF CHAOS
Américanisation de Mayhem
Mayhem est le groupe à l’origine du Black Métal Norvégien. Le fondateur du groupe, Oyster, raconte les différents moments de l’histoire du groupe et de sa vie…
Disponible à partir du 21 juin 2019 en VOD, Blu-Ray et DVD
Jonas Åkerlund, que la plupart ont découvert récemment sur Netflix avec "Polar" dans lequel un Mads Mikkelsen vieillissant défonce des tueurs à gage à tour de bras dans un univers de comics et une image de clip, est avant tout un homme qui a travaillé pour la musique. Il a filmé les concerts de Rammstein et de Madonna, mais a aussi fait des clips pour les Stones. Il a ici pour la première fois un contrôle quasi total sur son film, car il est, en plus d’assurer la réalisation, scénariste et monteur.
Le monde du métal est un monde à part. Le monde du black métal l’est encore plus. Le monde du Black Métal norvégien est quant à lui une niche et celui des fans de Mayhem encore plus. Åkerlund, de part sa carrière, a été amené à côtoyer ce monde, des deux côtés de la barrière de sécurité, il connaît aussi bien les artistes que les fans, et surtout, il connaît les « poseurs ». Ce mot revient d’ailleurs plusieurs fois dans le film, comme une insulte suprême, quelque chose dont il faut se dégager pour appartenir à une certaine élite d’happy-few, d’initiés, qui savent apprécier un certain type de musique, ou encore plus rare, la pratiquer.
Mais dès lors, pourquoi faire un produit didactique et édulcoré, et qui plus est américanisé ? En choisissant un casting américain, en employant une imagerie clipesque et en soignant les apparences, Åkerlund livre un film certes très fun et éducatif, mais ne correspondant pas du tout à l’esprit que défendaient ces gens.
Une fois passée cette inadéquation entre le fond et la forme, une certaine « réalité » des faits est ce qui est représenté, et on peut totalement apprécier de magnifiques images d’incendies d’églises avec de très beaux ralentis et un grand travail sur les oranges. On peut aussi apprécier les séquences de rêves/souvenirs avec des effets très années 90, les stroboscopes des concerts, les jeux de couleurs et les effets de montage. On peut même faire attention aux différentes utilisations des couteaux dans le film.
En bon film divertissant, "Lords of Chaos" n'a pas de message. Il ne s’agit pas ici de réfléchir. En étant un minimum narratif, le film se concentre sur le plaisir visuel et musical. Film de personnage plus que film narratif, c'est l'état émotionnel des personnages qui compte, pas leur évolution ou leur absence d'évolution. "Lords of Chaos" pourrait être ainsi vu comme une réflexion sur la différence entre ce que l'on dit et ce que l'on fait et sur l’appropriation. Mais le film ne s’ouvre jamais au général et reste au niveau de ses personnages, refermant ses problématiques sur la dialectique « vrais » vs « poseurs », si souvent présente dans le monde de la musique.
Deux scènes sont particulièrement touchantes en raison de la qualité du jeu de Rory Culkin. La première est celle où il finit par embrasser la photographe qu’il désire dès son apparition dans le cadre, lors du premier concert de Mayhem, et la suivante, peu de temps après, où il craque face à elle. Ce film, loin des critères de la masculinité, hors du genre même, regarde des hommes se débattre avec leur image, ce qui est généralement un sujet plutôt réservé à la gente féminine.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur