Bannière Festival Lumière 2024

LOOK BACK

Un film de Kiyotaka Oshiyama

Mangaka en devenir

Quand elle n’est pas au lycée, Fujino s’entraîne à dessiner des cases de bande dessinée et livre régulièrement au journal de l’école une petite histoire qui est alors publiée. Commençant à bénéficier d’une petite renommée auprès de ses camarades, flatterie qu’elle apprécie globalement, elle découvre cependant les histoires proposées par une autre élève d’une autre classe, Kyomoto, qui ne vient quasiment jamais en classe. Admirative des détails du style de celle-ci, elle commence à douter du sien, et malgré ses efforts, considérant qu’elle ne sera jamais à la hauteur, elle finit par abandonner le manga, privilégiant à nouveau des activités avec ses amis. Mais en fin de semestre, l’école lui demande d’amener à Kyomoto son certificat de fin d’études, et elle fait malgré elle la connaissance de cette « rivale » timide, agoraphobie, et admirative de son travail. Un début d’amitié pointe alors son nez, et elles montent un projet de manga en commun…

Objet de séances événement durant un seul week-end, "Look Back" est un moyen métrage d’animation japonais passé par le Festival d’Annecy en juin dernier. On y suit une lycéenne dont la confiance en son talent pour créer des bandes dessinées va faire le yoyo, tout comme son désir de devenir mangaka. Dans un pays où le travail est la priorité absolue, et où la concurrence est impitoyable entre dessinateurs, ceci dès le plus jeune âge, ce portrait d’une jeune fille devenant femme et devant faire des choix, est à la fois teinté des notions de persévérance et de croyance en soi, et empreint d’une profonde humanité qu’incarne la dichotomie des trajectoires selon deux personnages, d’abord convergentes puis divergentes.

Le film peut ainsi se lire comme un avertissement sur les sacrifices qu’exigent une telle profession (renoncement aux amusements de jeunesse et aux amis, trahisons entre concurrents...), et comme une réflexion sur le poids de la chance et des rencontres dans ce type de métier. Mais il peut se voir aussi comme la nécessité pour une mangaka de concilier deux facettes d’un art, au-delà d’une histoire : d’un côté l’anatomie et le mouvement et de l’autre la qualité et le détail des décors. Et "Look Back" peut alors mener à une troisième lecture, au-delà des regrets qu’exprime la séquence rêvée de la fin, sur la base du « Et si... » (« ...j’avais fait un autre choix »), en révélant derriere cette dichotomie en deux filles aux dons et aux destins différents, les deux facettes d’une même mangaka.

Bercé par de douces musiques, "Look Back" croise ainsi récit type « Rise and Fall » et histoire d’obstination, faisant se refermer progressivement celle qui était la plus ouverte, revenant sur une tablette au lieu d’une feuille de papier, les tapotements de son pieds traduisant concentration et nervosité, et le metteur en scène superposant les graphiques des ventes tels des signes supplémentaires de pression. On trouve d’ailleurs ici une autre dichotomie, dans l’aspiration de l’une à vouloir entrer en école d’art et l’urgence de l’autre à dessiner de plus en plus, telle une machine. De facture assez classique pour un anime, le film offre cependant quelques plans saisissants, comme lorsque le feuillet de 4 cases s’envole pour passer sous la porte, ou avec la traduction des structures d’histoires proposées dans certains de ces feuillets en petits récits animés. Un film cruel et beau sur la pression subie par les étudiants au Japon, autant que sur ce rude métier de mangaka.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire