LOIN DE VOUS J’AI GRANDI
L’enfance qui se cherche dans un film qui ne se trouve pas
Nicolas a 13 ans. Il vit en foyer dans la vallée de la Bruche et adore les romans de Jack London. De temps en temps, il traîne en forêt avec son ami Saef et il rend visite à sa mère. Le moment où il devra quitter sa famille pour se construire un avenir ne cesse de se rapprocher…
Le label ACID nous permet parfois de tomber sur des trouvailles, mais aussi sur des films qu’on n’aurait jamais imaginé trouver le chemin des salles. Parfois, cela tient à la facture anti-cinématographique du film. D’autres fois, c’est un naturalisme trop forcé qui abîme la portée symbolique et universelle du récit. Avec ce documentaire de Marie Dumora (déjà auteure de "Belinda"), on a droit au combo. Avec, en plus, un sujet déjà épuisé à n’en plus finir depuis un bail : l’enfance qui se cherche indiciblement lorsque le passage à l’âge adulte se rapproche de plus en plus. À bien y regarder, et si l’on fait l’effort de ne pas chercher à y voir une quelconque originalité, l’intérêt principal du film consiste à suivre sur plusieurs années l’évolution du parcours d’un jeune garçon, placé en foyer et suivi de loin par une mère en difficulté. Ceux qui ont déjà vu "Boyhood" et la première moitié de la filmographie de Maurice Pialat ne trouveront rien de neuf là-dedans.
Sur l’approche du genre documentaire, le film fait en outre l’erreur de traiter par-dessus la jambe ses rares angles d’attaque, en particulier la fascination de son jeune protagoniste pour les récits de Jack London, ici sacrifiée à la va-vite dans trois pauvres scènes de ballade en forêt qui ne créent aucun lien avec les conventions du conte. On a donc droit à un seul filtre, très faible en l’état : le temps qui passe. Et en effet, il passe. Tant et si bien qu’on oublie chaque scène dès qu’on passe à la suivante. Le souci central de ce film, c’est qu’il cherche à capter la globalité du réel de plein fouet avant même d’avoir pris la peine de capter des caractères individuels lui permettant d’évoluer en douceur vers cette globalité. En cela, son titre, très mal trouvé, ne fait que révéler son principe : il n’offre ni repères ni dialogues avec son spectateur, et cherche à se placer plus haut que lui à force de viser la distance sans affect. Résultat : on se tourne les pouces, sans jamais avoir envie de les lever.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur