LOIN DE MON PÈRE
Film mineur pour sujet fort
Après l’excellent "Jaffa", pamphlet politique dissimulé dans un drame sentimental, Karen Yadeya a décidé de s’emparer à nouveau d’un sujet extrêmement délicat, à savoir l’inceste. La réalisatrice nous plonge alors dans le quotidien d’une jeune fille éperdument amoureuse de son père avec qui elle entretient une relation passionnelle. Pas question de nous informer sur l’origine de cette situation, la réalisatrice nous offre les faits abruptement, avec une banalité effrayante, renforçant considérablement l’abjection que l’on ressent à la vision de certaines séquences.
Mais si le sujet est indéniablement poignant, le métrage accumule malheureusement les maladresses, se contentant d’approcher superficiellement le sujet, laissant le spectateur avec un film impersonnel et insipide. Or cette relation incestueuse ne se suffit pas elle-même pour susciter un véritable effroi, le film ayant autant d’effet qu’une campagne de sensibilisation : on est choqué sur le moment, mais on a déjà oublié la minute suivante. Au lieu de recourir à une sobriété qui aurait été bienvenue, la cinéaste israélienne tombe dans une caricature malsaine, la jeune fille aimant autant son père qu’elle le déteste, puis finit par se détester elle-même, s’infligeant différentes souffrances toutes plus prévisibles les unes que les autres.
Le choix d’un père violent et autoritaire renforce l’incompréhension du spectateur et la dramatisation du récit, mais l’écriture scénaristique réduite à néant empêche le film de s’envoler et de s’emparer véritablement de son sujet. La succession de scènes redondantes plombent alors complètement le rythme de "Loin de mon père", qui finit par agacer par tant de lourdeurs. Et que dire de certains dialogues dont la vacuité en devient risible…
L’exercice était certainement trop périlleux pour Karen Yedaya, complètement étouffée et inhibée par le poids du sujet, mais à trop vouloir bien faire, la réalisatrice a donné vie à une œuvre lassante et rébarbative, ne nous prenant que très peu aux tripes malgré l’abject de la situation. Et en ce sens, l’apparition d’une femme jouant la bonne samaritaine frise le ridicule, comme si il était apparu indispensable aux yeux de la réalisatrice de nous rappeler qu’il faut aider les personnes connaissant de tels maux. Malgré l’intention louable, le film coup-de-poing promis ne se dessine jamais, celui-ci brossant un thème déchirant avec une platitude désolante. Et alors qu’elle avait déjà prouvé ses qualités dans la dénonciation politique et le traitement de sujets polémiques, la cinéaste commet ici son premier faux-pas.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur