LIGNES DE FRONT
Impuissante ONU
« Lignes de front » est un film politique. S'ouvrant sur des images de reportage, accompagnées d'un commentaire sur les consignes des casques bleus de l'ONU, à savoir ne prendre parti pour aucun des camps et ne répondre qu'aux agressions directes qui leur sont faites, le scénario n'aura de cesse de dénoncer l’impuissance de l'ONU et l'hypocrisie d'un système, qui intervient sans intervenir. Au travers du portrait d'un journaliste, témoin du génocide des Tutsi, Christophe Klotz s'interroge à la fois sur le devoir d’ingérence et sur le travail de journaliste, œil neutre mais humain.
Construit autour d'un décompte macabre du nombre de jours après le début du génocide et du nombre de morts, le film remplit son contrat de dénonciation, mettant son héros face à ses propres contradictions, glissant du témoin intéressé vers l'humain au désir impérieux d'implication. Résolument pessimiste quant au courage des politiques et au pouvoir de la communauté internationale, Klotz clôt son film sur l'image du jeune homme, hanté, qui dort sur un lit d'hôpital, à l'image du monde occidental qui tourne le dos ou ferme les yeux face au drame.
Malheureusement, toutes ces bonnes intentions se noient quelques peu dans des principes scénaristiques ou de mise en scène qui ne sont pas à la hauteur du propos. Le message semble martelé à maintes reprises, jusqu'au discours (trop) explicite du militaire, face caméra, qui accepte de parler des conditions de travail des forces internationales, des appels d'offres pour l'eau, des conséquences en terme de massacre... La démultiplication des nombreux passages nocturnes, à peine visibles pour le spectateur, auront également raison des plus patients. Enfin, l'incursion du journaliste, seul, en milieu hostile, semble traitée avec trop de facilité et de rapidité pour réellement convaincre et faire croire au danger auquel il s'expose.
Heureusement il y a les interprètes, dont Jalil Lespert en tête, dans le rôle du journaliste, dont l'évolution du comportement, qui passe du sérieux distancié à l'impatience inconsciente, se révèle un atout considérable pour le film. Au final, « Lignes de front » est une œuvre un peu bancale, mais droite dans ses bottes, qui à force de vouloir aller droit au but dans sa dénonciation, en fait un tout petit peu trop.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur