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LIGNE DE CRÉDIT

Un film de Salome Alexi

Nostalgie de l’opulence passée

Nino, une femme dans la quarantaine, vivait décemment sous l'aire soviétique, mais son activité connaît des jours difficiles dans la Géorgie d'aujourd'hui. Commence alors la spirale des dispositifs de crédit, pour donner le change auprès de ses proches, et maintenir le niveau de vie de la famille...

Il s'agit d'un petit film sans prétention, transposition dans des Balkans stylisés de la crise des subprimes. On suit ainsi les tribulations d'une jeune femme mûre, soutien de famille (notamment de sa mère enfermée dans ses rêveries passéistes de grandeur) qui va peu à peu dégringoler économiquement, tentant de maintenir vaille que vaille l'illusion nostalgique que rien n'a changé et par voie de conséquence le train de vie du cercle de famille. Car en effet, les affaires ne marchent pas et les seules rentrées d'argent reposent désormais sur maints subterfuges dont au premier chef l'obtention de crédit. Et le film peut de ce point de vue se comprendre comme une sorte de manuel didactique sur les différentes manières d'obtenir un crédit.

« Kreditis limiti » se construit comme une suite de petites scénettes douces-amères, proches du théâtre, où l'ensemble du pays et de ses habitants semblent s'organiser pour faire crédit à tout et à tous, dans une sorte d'optimisme inconscient et irresponsable systématisé : mettre l'argenterie au Mont de piété, tirer sur le découvert via la carte de crédit, obtenir des délais de paiement, obtenir un crédit pour payer ses précédents crédits... En toile de fond des efforts constants et héroïques de cette femme pour trouver de l'argent et sauver les apparences, les autres membres de la famille continuent à vivre et à penser dans leur bulle nostalgique figée sur le souvenir constamment ressassé d'un passé d'abondance et de facilités, sans tracas ou ennuis, coupée des réalités nouvelles du monde et de ses nouvelles valeurs.

Le film se termine par le déchirement brutal du voile d'illusions entourant les protagonistes à l'occasion de l'irruption de la police venant sanctionner cette fuite en avant perdue d'avance, basée sur le mensonge, la dissimulation et l'escroquerie généralisée et sonne comme un rappel brutal (mais complice) des réalités et de l'impasse dans laquelle s'est mises une société vivant uniquement de manière insouciante sur le crédit. Un carton vient rappeler à la fin du film de manière factuelle, chiffres à l'appui, les ravages de telles approches dans la société et le cortège de drames individuels et familiaux, sociaux et économiques qui l'accompagne. « Kreditis limiti » décrit ainsi le sort de cette attachante famille et de cette héroïque femme, à la manière d'un tableau clinique d'une lente descente aux enfers des subprimes.

Nicolas Le GrandEnvoyer un message au rédacteur

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