LIBERTAD
L’amitié naissante à l’épreuve des différences de classes
C’est l’été. Nora, jeune fille espagnole de 15 ans, passe des vacances en famille dans leur lieu de villégiature habituel, en bord de mer. Lors d’un repas, la grand-mère, relatant les parties de pêche du grand-père, est soudain prise d’une absence et c’est l’aide de maison, Rosana, d’origine colombienne, qui termine le récit à sa place. La fille de celle-ci, prénommée Libertad, très éloignée du caractère réservé de Nora, va pourtant devenir peu à peu amie avec elle…
Libertad est donc le prénom de la fille de l’aide à domicile de la grand-mère de Nora, l’héroïne de ce nouveau coming of age movie distribué par Epicentre, film de passage non pas à l’âge adulte, mais de l’enfance à l’adolescence. Située entièrement dans la maison de vacances dans laquelle toute sa famille vient, comme chaque année, passer les vacances d’été, l’action va se centrer à la fois sur l’évolution intime de Nora, mais aussi aux trajectoires des adultes qu’elle a encore du mal à intégrer. Celle de la grand-mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, qu’il faut donc surveiller, et celle de la mère, qui semble aussi prendre quelques libertés en l’absence du père.
Si le prénom de la jeune fille qui va influencer celui de Nora de par son comportement ouvert, l’éloignant de son monde de petite fille, constitue une parabole en soi (elle incarne en effet le souffle de liberté qui va l’entraîner vers l’adolescence), le caractère estival du film, baigné d’une lumière revigorante, sied aussi parfaitement au sujet du film. D’autant que la question de l’envol touche aussi bien la famille de Nora, que celle de Libertad, puisque cette dernière affiche d’emblée son souhait de retourner en Colombie. Quatre trajectoire de femmes vont ainsi composer un récit sensible, récompensé aux derniers Goyas, des prix de la révélation mise en scène et du meilleur premier film.
Dépeignant la situation de Nora, à la frange de l’enfance (téléphone portable rose, brillants…) et déjà un pied dans l’adolescence (maillot une pièce, regard pour les garçons…), la réalisatrice saisit par petites touches les interrogations de celle-ci, faisant d’abord abstraction de la différence de classes entre son amie et elle, qui considère la servante de mère comme faisant partie de la famille. Mais le fil du récit se charge de remettre cruellement chacun à sa place, entre le désir de lien symbolisé par un lit partagé ou des cheveux formant une tresse commune, c’est finalement le souhait d’évasion et d’indépendance qui fait point commun entre les différents personnages. Le scénario, intelligent, mène ainsi tout ce petit monde vers un climax en forme d’orage, mu par le souhait d’autonomie et l’attraction vers l’autre sexe. "Libertad" est au final un film profondément lumineux, qui respire l’été et la chaleur, et affiche à la fois un parfait casting d'ensemble et une réelle finesse d’écriture.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur