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LES VIEUX

Un film de Claus Drexel

Un patchwork d’où se dégage une certaine émotion

Un châtelain à la belle demeure, des agriculteurs à la retraite de misère, des juifs, des alsaciens, des autonomes, des résidents d’EHPAD, un couple hétéro qui dure, une femme lesbienne, un homme veuf… Tous ont un certain âge et livrent leurs souvenirs de la Guerre, leur rapport à la France, leur peur ou leur insouciance face à la mort qui arrivera…

Claus Drexel alterne, depuis sa première réalisation en 2007, entre fiction et documentaire. Avec "Affaire de famille" il livrait en 2008 une comédie policière aux têtes d'affiche imposantes (Miou-Miou et Dussollier). Revenu en 2013 avec "Au bord du monde", documentaire sur les SDF, il en faisait en 2020 le sujet principal d'une fiction, avec Catherine Frot en femme vivant un pont depuis des années ("Sous les étoiles de Paris"). Entre temps, il avait réalisé "America", portraits d'habitants de l’Arizona, laissés pour compte de l'American Dream, à la veille de l'élection de 2016. Depuis, on lui doit aussi un ensemble de portraits de prostituées du bois de Boulogne, dans "Au Cœur du bois" (2021). Les laissez pour compte, les oubliés ou invisibles de la société ont donc souvent été au centre de l’œuvre de celui qui nous propose aujourd'hui les interviews croisées de personnes âgées, dont la parole est finalement rare dans cette société qui va de plus en plus vite.

"Les Vieux" offre ainsi l'occasion de ralentir un peu et de prêter une oreille attentive aux mémoires et aux ressentis de personnes qui n'affrontent pas tous la vieillesse avec le même niveau de vie, ni le même état de santé. L'introduction souligne cela très bien, en juxtaposant d'abord un châtelain inquiet de la demeure qu'il va léguer à une jeunesse qui n'en veut pas, et un groupe d'agriculteurs riant de leur retraite de misère, puis un homme dans un chalet, peu inquiet de la mort et une femme en fauteuil roulant qui se sent comme « un boulet » pour les autres. Si les successions d'interviews n'aident pas au dynamisme de l'ensemble, la construction se fait autour de l'événement le plus marquant pour beaucoup (la Seconde Guerre Mondiale et ses souffrances), la fierté d'avoir travaillé ou d'être créatif, le rapport à la France (beaucoup sont d'origines différentes), l'amour pour un homme ou une femme, encore vivant ou non...

Avec un certain tact, la perte est évoquée, comme la dépendance, le don d'organe ou les changements du corps, grâce notamment à une caméra qui s'attarde sur les intérieurs des uns et des autres, révélant au passage une photo d'un passé d’alpiniste, ou d'autres éléments significatifs, comme des bouteilles d'oxygène. Ceux-ci restent cependant rares, les passages où la caméra s'égare alentour s'avérant un peu répétitifs, et les transitions, malgré la beauté de certains plans (celui à l'aube avec un beffroi dans la brume...), manquent sans doute de sens. Pourtant, certains passages parviennent indéniablement à provoquer l'émotion, qu'il s'agisse d'images de gens en train de se baigner, tels des souvenirs de joies qui ne seront plus, ou lorsque les derniers personnages évoquent la mort à venir. Définitivement touchant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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