LES TRICHEURS
Un petit humour noir réjouissant
Hubert et Florence, en couple, font une partie de golf par une journée de grand beau temps. André, un ami et associé en affaires d’Hubert dans des résidences pour personnes âgées, les accompagne, visiblement déprimé. Mais un joueur isolé faisant le même parcours, Michel, envoie une balle dans le pare-brise de leur voiturette. Charmeur, celui-ci se voit convié par Florence, à jouer avec eux…
"Les Tricheurs" est un film québecois à l'originalité indéniable. D'abord parce que celui-ci se déroule en un lieu unique, un terrain de golf, ensuite parce qu'il se construit, tel un thriller, autour de l'insistance d'un personnage (celui de Michel, la pièce rapportée de la partie) qui joue les trouble fête, au sein d'un trio déjà dysfonctionnel. Car au fil les panneaux indiquant les numéros des trous, comme chapitrant le métrage et l'emmenant vers un dénouement qu'on pressent comme un climax, on découvre par petites touches les liens entre les personnages, tournant autour de l'activité du trio et de l'obsession du quatrième.
Alexandre Goyette (vu dans "Mommy") interprète avec justesse cet invité surprise, Michel, en apparence flegmatique, mais persévérant, dont le charme infuse autant que l'étrange et ponctuelle noirceur. Hubert, le psychiatre, aussi manipulateur que sûr de lui, est joué par Benoît Gouin ("Sarah préfère la course", "J'ai tué ma mère"). Christine Beaulieu ("Simple comme Sylvain") donne corps à Florence, la professeure de yoga aussi détachée que libre de mœurs, avec une désinvolture réjouissante. Quant à Steve Laplante ("On dirait la planète Mars"), il trouve en André, homme en retrait, pharmacien, un rôle plus complexe qu’il n’y paraît. S’ajoute à ces quatre personnages, une sorte de petit tyrolien autoritaire, interprété avec étrangeté par Sébastien René, chargé de faire respecter des règles (trop) strictes (interdiction de fumer, chemises ne devant pas sortir du pantalon…) qui malheureusement finit par être trop caricatural.
Si l’on se dit que l’éclairage apporté à la fin, par un plan sur un mur plein de portraits, n’était pas réellement utile, l’ensemble de l’intrigue s’avère rondement menée, augmentant en tension grâce à l’attitude décalée de Florence, souvent en poses méditatives, comme par la finesse d’écriture de dialogues teintés de réflexion ironiques sur l’existence (« mieux vaut se prêter à tout à tout le monde, au lieu de se donner à quelqu’un », « faut jamais gager sur sa blonde », « un homme c’est un attelage à trois chevaux... »…) et la capacité de chacun éviter toute responsabilité. Doublé d’un comique visuel lié au golf (les calculs de trajectoire, les accidents des voiturettes ou caddies…), "Les Tricheurs", deuxième long métrage de Louis Godbout (scénariste de "Une Révision") a l’avantage d’une mise en scène audacieuse qui utilise autant quelques vues de drone sur le parcours, que des schémas incrustés explicatifs, des intrusions dans les cerveaux, des effets sonores (façon "L’Homme qui valait 3 Milliards"), que la présence récurrente d’une marmotte, servant de caution critique ou narrateur au début du film. Une comédie noire sur la nature humaine, dans laquelle on ne sait plus au final qui manipule qui.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur