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LES RASCALS

Une spirale de vengeance, sur fond de reconstitution remarquable

Au milieu des années 80, des jeunes, issus de la banlieue et d’origines différentes, créent leur bande, se faisant appeler les Rascals, et arborant fièrement leurs blousons customisés. Alors qu’ils sont chez un disquaire, ils reconnaissent, en un des employés, l’un des skinhead qui les avait agressés quelques années plus tôt. Ahmed, qui veut qu’on l’appelle Rico, décide de se venger, et laisse le jeune homme dans le coma, Frédérique la sœur de ce dernier, observant l’agression depuis une cachette. Faisant la connaissance d’un des potes de son frère, Adam, étudiant impliqué dans les mouvements d’extrême droite, elle va voir en lui une figure protectrice, mais aussi l’occasion de se venger…

Les Rascals film movie

Débutant par une scène fondatrice, située en juin 1977, alors qu’un groupe d’enfants blancs et antillais de banlieue se fait courser par un groupe de rebeus du quartier, "Les Rascals" n’hésite par à montrer leur violente agression par une bande de skins, caméra subjective à l’appui (pour représenter coups de pieds, comme crachats…), qui mènera à leur amitié et à la création de leur bande. Après une ellipse de 7 ans, nous voici projetés en 1984, pour un récit qui prend la forme d’une spirale de vengeance, s’étalant sur quelques semaines, avant de se conclure 2 ans plus tard, par une scène ouverte, qui suggère naturellement une suite.

Au fil de cette saisissante reconstitution d’une époque où l’affirmation de soi passait souvent par l’appartenance à une bande, et où l’extrême droite devenait visible (collages, agressions, élections...), c’est un saisissant portrait de groupe qui voit le jour. L’empathie fonctionne ainsi à merveille pour ces jeunes adultes aux profils très divers : Ahmed (alias Rico) qui joue les Travolta crâneur et ambitieux, Rudy, un antillais qui incarne la voix de la raison, Mandale, le costaud du groupe, Boboche, un blanc à l’avenir assuré, et Sovann, un réfugié cambodgien des plus dragueurs. Nous plongeant avec eux dans un Paris codifié, aux lieux ou figures mythiques où se frôlaient des tendances divergentes (les concerts de la Souris Déglinguée…), le film dégage un âpre parfum de vérité autour d’une époque charnière.

L’engrenage des vengeances successives est implacable, le metteur en scène, Jimmy Laporal-Tresor (remarqué pour son court métrage "Soldat Noir"), créant la tension par l’alternance de moments d’accalmie et de scènes violentes, tout en nous emmenant progressivement dans les bas fonds d’une semi-clandestinité où se terrait encore alors la frange la plus dure de l’extrême droite de l’époque (notamment le fameux GUD). Montrant en toile de fond autant les problèmes sociaux concernant les membres de la bande (la couleur de peau comme obstacle à l’embauche, le service militaire comme barrière à une évolution…) que les connivences entre milieu de l’enseignement, police et jeunes ou « darons » d’extrême droite, le scénario fait preuve d’une réelle finesse d’écriture. Qu’il aborde la fascination pour la violence et le basculement idéologique, ou la prise de conscience d’une influence familiale néfaste, il réussit sans mal à nous emporter dans son sillage, avec rythme et justesse quant à la trajectoire de chacun des (multiples) personnages. On espère donc, forcément, une suite.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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