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LES OISEAUX DE PASSAGE

Une impressionnante fresque relatant la genèse des cartels de la drogue

Une famille d’indigènes Wayuu, devenue maître dans la culture et la vente de marijuana, se met à commercer avec la jeunesse dorée américaine. Derrière un business qui prospère, la violence se fait jour, et se profile à l’horizon une guerre des clans sans merci…

Les oiseaux de passage film image

Après avoir déjà fait les beaux jours de la Quinzaine des réalisateurs en 2015, Ciro Guerra, auteur du sublime et hypnotique "L'étreinte du serpent", a fait l’ouverture de sa 50e édition, en 2018. Co-réalisé avec Cristina Gallego, ce récit, étalé sur une vingtaine d'années, depuis la fin des années 60 au milieu des années 80 dresse un portrait surprenant de tribus aux codes de conduite ancestraux, peu à peu remises en cause par l’irruption de la violence. Un récit de la naissance des cartels de la drogue colombiens, entre poésie et thriller, contemplation et éclairs de violence.

"Les oiseaux de passage" fascine dès sa scène d’ouverture, danse de séduction avec ses magnifiques effets de drapés rouges, filmée par une caméra immersive tournoyant jusqu’à l’épuisement. Assez captivant dans sa description des fonctionnements de clans voisins, aux codes bien ancrés et aux croyances ancestrales en des signes et des rêves, le film montre l'évolution de ces tribus vers un monde occidentalisé qui semble lointain (il est très peu montré ici). Décrivant également un éloignement progressif de la nature, le film se pare d’artificiels signes de richesse, la famille centrale passant d’humbles constructions en forêt, à une symbolique maison en dur, installée aux franges du désert. Un lieu où seuls quelques oiseaux, figure récurrente dans le film, viennent rappeler ponctuellement les racines des personnages.

La sortie progressive de la tradition orale (le film est chapitré en 5 chants) est également mise en avant. Celle-ci est notamment symbolisée ici par les messagers envoyés d'un lieu à l'autre, qui bénéficient d’une sorte d’immunité permanente. Ils marquent justement l’ultime limite à ne pas franchir, puisqu’il s’agira de « ne pas tuer le messager, ne pas tuer la parole ». Tiraillés entre tradition et désir de pouvoir, les personnages prendront eux aussi peu à peu une dimension presque mystique, au fil de cette fresque hors normes opposant producteurs des forêts et vendeurs devenus extérieurs.

Très beau graphiquement, "Les oiseaux de passage" imprime durablement quelques images dans l'esprit d'un spectateur fasciné, depuis les colonnes d'ânes chargés de balles de marijuana se déplaçant en pleine forêt, jusqu'aux pattes mouvantes d'un des nombreux oiseaux qui jalonnent l’histoire. Tirant en permanence son récit vers une dimension universelle et symbolique, Ciro Guerra semble en oublier cependant l’émotion, le destin de la famille centrale et surtout de la femme qui tire les ficelles, ayant pourtant de quoi glacer le sang.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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