LES MONDES PARALLÈLES
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Shin est un lycéen ordinaire qui vit à Tokyo. Un jour, il rencontre un garçon nommé Jin, parfaitement semblable à lui, qui prétend venir d’un autre monde. Selon Jin, un monde parallèle existe, où règne une princesse malfaisante, Kotoko. Jin s’est rendu à Tokyo pour tuer le double de Kotoko, une certaine Kotori, qui se trouve être la meilleure amie de Shin…
Ah là là, ça démarrait si bien… Des jeunes adolescents gagnés par l’amour, des regards en coin qui traduisent tout sans que rien ne soit souligné par le dialogue, un visuel adouci par des couleurs automnales annonçant les futurs tourments intérieurs qui vont marquer les deux amoureux… On se serait presque cru chez Makoto Shinkai, période "Your Name" ou "5 centimètres par seconde". Pourquoi diable fallait-il que le réalisateur Yuhei Sakuragi nous prenne soudain pour des idiots ? Non seulement on imaginait aisément qu’un cinéaste un minimum sensé aurait pu rendre crédible son concept de base – deux mondes parallèles métaphorisant les deux faces opposées d’un Japon marqué par la Seconde Guerre Mondiale – par des choix de mise en scène ou des situations mettant en exergue le pourquoi du comment, mais on peut légitimement s’agacer de se sentir soudain ramené à un âge mental de six ans quand la seule idée du réalisateur consiste à dessiner de petits schémas illustratifs sur l’écran – sans oublier le coup classique de la voix-off pédago cuisinée à la sauce "Il était une fois la vie". Tous ceux – et on les sait bien plus nombreux qu’on ne l’imagine – qui ont déjà bouffé de l’ersatz de "Terminator" (du genre "Déjà vu" de Tony Scott) par paquets de douze feront fissa la grimace devant tant de palabres et de paraphrases.
Une simple erreur narrative, et c’est tout un film qui s’effondre, donc ? Non. Reçu de façon plus que mitigée lors de sa présentation en compétition à Annecy 2019, "The Relative Worlds" ne peut pas être balayé d’un revers de la main, ni même réduit à ce diaporama explicatif pour teubés. D’abord parce que son scénario et ses personnages s’avèrent suffisamment denses et étoffés pour dessiner une aventure assez captivante, ensuite parce que le découpage de ses scènes d’action fait montre d’un vrai sens du cadre et de la mise en scène (notons de jolis effets de travelling et de vue subjective), enfin parce que son beau visuel à la Shinkai met surtout en valeur les regards et les états d’âme pour que les émotions des personnages puissent devenir plus prégnantes que le reste. Certes, il vaut mieux ne pas compter sur Sakuragi pour donner vie à un vrai vertige existentiel censé naître de l’idée même de deux mondes parallèles et interconnectés (n’est pas William Gibson qui veut…), mais cela aide à étoffer un emballage conventionnel pour le rendre aussi digeste que possible, tant et si bien que l’on sort du film avec une satisfaction mesurée mais bien réelle… Allez, disons que c’est le minimum…
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur