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LES FANTÔMES

Un film de Jonathan Millet

Une traque salvatrice, au risque de se perdre

En 2016, Amir, réfugié syrien, est employé sur des chantiers dans la ville de Strasbourg. De chantiers en camps d’accueil, il n’a de cesse de montrer la photo de son cousin, affirmant qu’il est à sa recherche. Mais les gens se méfient, considérant que des agents du régime sont partout. Une volontaire, travaillant dans une blanchisserie, accepte cependant de l’aider…

Premier long métrage, présenté en ouverture de la Semaine de la critique cannoise, "Les Fantômes" a fait l’effet d’une véritable claque. Film à la tension rare, interprété avec ce qu’il faut d’ambiguïté par Adam Bessa (acteur franco-tunisien vu dans "Harka" et "Les Bienheureux"), le film décrit les suites d’une guerre fratricide, devenant ici diffuse, au travers des agissements d’un groupuscule, à la recherche de criminels de guerre. Posant nombre de questions morales, ce long métrage, qui refuse toute scène d’action, est un redoutable thriller psychologique qui met le doute au cœur de pratiquement toutes les scènes, faisant du spectateur le témoin d’agissements flirtant avec la limite du tolérable, de la part de ceux qui cherchent justice.

La tension, ténue dans les premières scènes, devient forte dès qu’une cible semble identifiée, et culminera dans un climax en forme de simple repas en tête à tête entre celui qui cherche et doute, et celui qu’on croit avoir trouvé. Après une construction de certitudes sur des détails interprétables, la finesse des dialogues, retournant à chaque phrase la certitude ou le sentiment de menace, trouve là deux formidables interprètes semblant jouer aux échecs, dont la moindre nuance de regard, de moue des lèvres, pourrait éveiller les soupçons de l’un ou révéler une vérité à l’autre. Adam Bessa fait ici face à un Tawfeek Barhom (vu dans "La Conspiration du Caire" et "Mon fils"), troublant, dans un duel feutré à couper le souffle. Un second long métrage pour Jonathan Millet, après le documentaire "Ceuta, douce prison", au titre à prendre potentiellement à double sens, révélant des bourreaux insérés en secret dans la société (mais ce ne sont peut-être alors plus des fantômes), comme permettant d’accompagner des âmes meurtries, devenues instruments invisibles d’une justice qu’ils savent imparfaite.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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