LES ENFANTS DU SOLEIL
Un film percutant sur l’exploitation des enfants, porté par un jeune interprète formidable
A Téhéran, Ali a 12 ans. Il passe son temps comme beaucoup d’autres dans les rues de Téhéran, tentant de trouver des petits boulots, plus ou moins légaux, afin d’aider sa famille. Avec ses trois amis, qui vont aussi à l’école du soleil, une école pour les enfants des rues, il est embauché par un homme qui les charge de trouver un trésor situé sous le cimetière. Ils vont commencer à creuser, en partant des sous-sols de l’école…
Le réalisateur iranien Majid Majidi, auteur du très beau "Le Chant des moineaux" (ours d'argent du meilleur acteur lors du Festival de Berlin 2008), que nous avions déjà ardemment défendu, a présenté au Festival de Venise 2020 "Sun Children" (traduit étrangement en français par "Les enfants du soleil"). Un film qui aura valu à son jeune interprète principal, Ali Ghabeshi, saisissant de dynamique et de persévérance face à des adultes souvent indignes et prêts à tous les profits, aussi viles soient ils, le prix de la révélation. Car d’exploitation des enfants, sujet rarement creusé au cinéma, il est question tout au long du métrage, examiné à niveau de regards juvéniles, décrivant vols de roues, récupération de pneus, et autres contributions à des trafics.
Avec minutie, le film dresse le portrait d’un groupe de quatre gamins des rues, amis mais d’origines différentes, chacun devant grandir plus vite que la normale. Parmi eux, Ali se comporte tel un adulte en miniature, reproduisant des codes qu’il ne maîtrise que de manière hasardeuse, draguant une fillette dans le métro, négociant avec les adultes, rendant visite à sa mère en hôpital psychiatrique, jouant les meneurs… Chacun d’eux est porteur d’espoir, en miroir d’un monde adulte qui ne semble mu que par la corruption et et les intérêts particuliers.
À la fois tendu et empreint de tendresse, cruel et bienveillant, le film, en montrant les facettes et sources de l’exploitation de chacun des personnages, souligne le rôle de l’école dans l’équilibre des enfants autant que dans l’offre d’une perspective de vie meilleure. Grâce à une entrée en matière nerveuse (une tentative de vol de roue, dans un parking de centre commercial, qui tourne mal), Majid Majidi affirme le danger comme permanent, planant au-dessus de ces jeunes aux portes de l’adolescence. Il met d’ailleurs en parallèle les menaces pesant sur l’établissement scolaire (soumis au bon vouloir des autorités publiques, et aux – fausses - promesses d’argent des candidats à l’élection municipale), et celles sur les enfants, mis en dangers physiquement par leur projet amateur de tunnel.
En s’attachant à la puissance du désir de changement chez Ali, incarnée par la perspective d’accès au trésor, Majid Majidi décrit le risque d’un basculement de l’enfant vers le système établi par les adultes. Bouleversant lorsqu’il décrit l’isolement progressif du jeune homme, "Les enfants du soleil" met au cœur de l’intrigue le destin de ce petit bout d’homme, permettant au passage de dénoncer l’attitude d’adultes irresponsables et l’absence d’autorités impliqué. Le film cependant, trouve son équilibre dans les figures dirigeantes de l’école, dont la bienveillance rayonne, et laisse un goût amer teinté d’espoir.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur