LES CYCLADES
Marc Fitoussi tient enfin sa grande comédie populaire
Année 2019. Blandine, quarantenaire divorcée et complexée, tente une thérapie par le rire. Désespérée de la voir aigrie et seule, son fils Benjamin, qui emménage en colocation, décide de lui organiser un dîner au restaurant avec celle qui était sa meilleure amie au collège, Magalie. Sa mère lui ayant fait croire que le dîner s’est bien passé, Benjamin lui annonce quelque temps plus tard, qu’il ne partira finalement pas en voyage en Grèce avec elle, mais qu’il a du coup offert sa place à Magalie. Blandine se retrouve alors embarquée dans un voyage avec cette femme qu’elle trouve envahissante et trop enjouée…
Cela fait longtemps que l’on se dit que le cinéma de Marc Fitoussi se situe quelque part dans la même veine de celui de Cédric Klapisch (auquel il a d’ailleurs succédé sur la réalisation de certains des épisodes de l’excellente série "Dix pour cent"). D’abord parce que l’auteur sait transmettre une certaine tendresse pour ses personnages, ensuite parce qu’il a aussi un don pour inscrire ses récits entre drame et comédie, avec un sens réel de situations ancrées dans le monde d’aujourd’hui. On se demandait du coup, après des comédies pas forcément toutes totalement abouties, comme "Copacabana", "Pauline Détective" ou "La ritournelle", quand viendrait la grande comédie qui pourrait lui ouvrir un public plus large. C’est chose faite avec "Les Cyclades", comédie ensoleillée dans laquelle deux anciennes amies que la vie et les caractères ont clairement éloignées, se retrouvent contraintes de cohabiter durant un voyage dans les îles qui donnent leur nom au film.
Le film, qui a fait sensation au Festival d’Angoulême, est un vrai délice de ces situations conflictuelles ou complices qui font le sel des voyages et des amitiés, tout en ménageant juste ce qu’il faut de nostalgie. Car à la base de cette histoire, il y a un souvenir présenté en ouverture du film, de ces deux ados écoutant la musique du "Grand Bleu" de Luc Besson, signée Eric Serra. Un disque retrouvé durant son déménagement par le fils et qui lui donnera l’idée de refaire entrer Magalie dans la vie de sa mère, et un film dont le tournage a eu lieu justement sur l’une de ces îles des Cyclades, Amorgos. Grâce à des dialogues parfaitement rythmés, des différences méticuleusement orchestrées, des répliques cinglantes, Marc Fitoussi provoque rire et émotion tout au long de ce boat-trip où chaque étape est une épreuve menant à deux reconstructions.
Au service de ces deux merveilleux personnages, on retrouve avec bonheur le duo qui avait déjà si bien fonctionné dans "Antoinette dans les Cévennes" : Laure Calamy et Olivia Côte. La seconde a cette fois un rôle plus important, permettant de percevoir de multiples aspects de sa palette de jeu, alors que son personnage, centré sur ses souffrances, a bien du mal à s’ouvrir aux autres. Quant à Laure Calamy, l’introduction de ses petites combines lors de la scène du restaurant (vêtements avec étiquettes, colocation improbable, allusions sexuelles..) permet d’emblée de donner l’idée des catastrophes à venir, autant que des opportunités de croustillantes rencontres. Toutes deux donnent tant d’humanité à leurs personnages respectifs qu’on aimerait ne pas devoir les quitter. Si le passage avec Bijou, le personnage joué par Kristin Scott Thomas, vient un peu casser le rythme, "Les Cyclades" n’en mérite pas moins de devenir en ce début d’année 2023, un premier grand succès populaire, auquel on souhaite la longévité du fameux "Antoinette dans les Cévennes".
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur