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LES CHOSES HUMAINES

Un film de Yvan Attal

Un récit passionnant, qui fait entendre la voix de l’éternel doute

Alexandre Farel, fils d’un célèbre animateur télé sur le point de recevoir la légion d’honneur et d’une essayiste médiatisée, tous deux séparés, rentre de Stanford pour quelques temps. Il souhaite revoir Yasmina, femme plus âgée qui est maintenant directrice de cabinet du Ministre de l’économie, avec laquelle les échanges ont toujours été crus, même par écrit. Son père, jouant les séducteur avec une stagiaire, couche avec celle-ci, qui démissionne dès le lendemain. C’est alors que son fils est emmené en garde à vue pour 48 heures…

Les choses humaines film movie

C’est autour du sujet du viol, questionnant consentement comme emprise, que se construit le nouveau film d’Yvan Attal, dont l’intérêt pour les ressorts du couple (et de la famille) ne s’est jamais démenti, depuis "Ma femme est une actrice" jusqu’à "Mon chien stupide", en passant par "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants". Finies ici les inspirations personnelles et l’humour teinté d’ironie, en adaptant le roman éponyme de Karine Tuil, prix Interallié et prix Goncourt des lycéens en 2019, il nous plonge au cœur d’un drame mêlant les destins de deux êtres, brisés, et de leurs familles respectives.

Car alors que l’on s’attendait à ce que ce soit l’attitude du père qui engendre le drame (le personnage joué par Pierre Arditi sera finalement emmené totalement ailleurs), c’est finalement le fils qui se retrouve accusé de viol, par la fille de son beau père. Une situation qui va bien entendu mettre la mère (Charlotte Gainsbourg), dans une situation impossible, et révéler au passage le fonctionnement du père, homme de pouvoir et d’argent. Grâce à un scénario habile, qui mêle les destins de deux familles, largement au-delà des actes de leurs enfants, Yvan Attal réussit pleinement son pari : aborder une thématique hautement inflammable, en tentant d’apaiser le débat, sans jamais nier la souffrance d’aucune des deux parties.

Disséquant durant 2h18 les arguments des uns et des autres, scrutant les conséquences du déchaînement médiatique et populaire (les tweets assassins sur la mère...), il prend son temps pour présenter les points de vue radicalement différents des deux parties sur le même événement. Divisé clairement en trois parties, le film possède une ellipse de 30 mois après les deux premières, qui permet enfin d’aborder le procès, sortant ainsi du passionnel pour tenter de pénétrer dans le factuel. Une partie où l’indécence de l’étalage au grand jour des fantasmes comme des penchants, le rôle du hasard, la capacité à dire non, l’influence des événements passés, les potentielles vengeance ou manipulation, la capacité à demander pardon ou à pardonner, sont questionnés dans le détail.

Patiemment, ce passionnant film fleuve met en avant ce temps de confrontation nécessaire, visant à mieux cerner la zone d’incertitude, celle qui unira à jamais dans le malheur les deux protagonistes. Grâce à un casting sans fausse note, révélant Suzanne Jouannet en accusatrice, et réunissant Ben Attal (efficace) en accusé, Mathieu Kassovitz en beau père effondré qui sort les crocs au moindre mot déplacé, Charlotte Gainsbourg en mère prise en étau, intellectuellement comme dans sa vie intime, et Pierre Arditi en père qui cache derrière son caractère odieux son haut niveau d’inquiétude, c’est un film d’une rare intelligence, dans son propos comme dans sa forme, qui se déploie sous nos yeux. On en ressort lessivé, percuté par des dialogues où chaque mot semble pesé, conscient que seuls les deux protagonistes seront à jamais les seuls à savoir ce qui s’est réellement passé ce soir là. Un film essentiel pour mieux sortir du militantisme benêt, du lynchage collectif ou de la vaine polémique, sur un sujet d’une importance capitale.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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