LES AVENTURES DE GIGI LA LOI
Le rien signifie parfois beaucoup
Policier en campagne où il ne se passe rien, Gigi enchaîne les rondes jusqu’à ce qu’il découvre un corps sur la voie ferrée. Face à cette mort inexpliquée, il va tenter de mener l’enquête comme il peut, en concentrant ses efforts sur un homme en particulier…
Avec ce troisième film quasi documentaire, Alessandro Comodin nous plonge dans le quotidien d’un policier au quotidien vide et morne officiant dans une petite ville au milieu des champs où rien ne se passe. Décrivant les journées d’un petit policier de campagne, le film nous propose un regard attendrissant sur ce vrai-faux policier, alternant jardin et voiture, dans des scènes toujours plus lunaires et teintées d’ironies. Gigi drague, Gigi rit, Gigi s’énerve et, finalement, n’enquête peut-être plus tant que ça, ou du moins à sa manière ? Tout dans le film fait alors penser à un doux rêve, où notre policier se destine en super héros. Et même s’il ne se passe rien, on a du mal à décrocher de Gigi, du mal à détourner les yeux, du mal parfois à croire en l’histoire que l’on voit, se demandant presque si Gigi est vraiment policier, s’il cherche à résoudre le crime ou s’il fait « comme si », comme ce qu’on attend finalement de lui.
Mais si enquête il y a réellement, "Les Aventures de Gigi la loi", c’est donc d’abord et surtout l’aventure de Gigi la loi, qui n’aura que cette idée en tête : trouver son homme. Même plus précisément, c’est la non-aventure de Gigi la loi. En effet, s’il semble vraiment avoir en tête la capture de son suspect, sa seule possibilité pour l’arrêter en tant que policier est de le faire… lorsqu’il n’est plus en service. Un début d’ironie dans ce film (qui tient ce registre du début à la fin, magistralement), où rien ne se passe. Rien, hormis le temps et la voiture de police qui tourne dans les quartiers, avec Gigi au volant, faisant ses rondes, s’assurant du calme et de la paix dans sa campagne.
Toujours enfermé dans ce cadre étroit, le film nous montre alors les dérives imaginaires du policier, à la certaine tendance à l’extrapolation sinon au mensonge, et nous questionne. À propos du temps, de notre rapport au travail, mais parfois aussi sur l’intérêt même d’un policier comme Gigi, qui fait respecter la loi à des gens qui semblent la respecter sans lui, une ironie de plus sans doute. En nous invitant à prendre notre temps et à réfléchir au rapport que nous avons avec ce qui nous entoure, c’est simplement la vie qui se dégage de ce film, qui apparaît alors comme une simple et douce ironie. Un film à voir, récompensé du Prix spécial du jury au dernier Festival de Locarno.
Valérian BernardEnvoyer un message au rédacteur