LES ÂMES SŒURS
« Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve »
Après l’explosion de son véhicule au Mali, David est rapatrié dans un hôpital parisien. Si les médecins vouent peu d’espoir à la survie de ce jeune soldat, l’arrivée de sa sœur, Jeanne, le ramène étonnamment à la vie. Retrouvant presque l’ensemble de ses capacités, il retourne avec elle dans un petit village des Pyrénées où il doit réapprendre à vivre mais aussi réapprendre à se souvenir d’un passé qu’il a oublié…
S’il peut apparaître comme une réponse au « On peut oublier qui on est mais on ne peut pas oublier qui on aime » de Marilyn dans "Bonhomme" (2018), le film "Les Âmes sœurs" est intriguant dès sa bande annonce. En effet, l’amnésie devient très vite un détail afin de questionner la relation entre David et Jeanne. Le fait d’avoir oublié qui il est, d’où il vient et les visages de ceux qui l’entourent, ne l’empêche pas de retrouver très vite ce(ux) qu’il aime : la nature, la moto et… Jeanne. Cette impulsion, devançant sa mémoire, l’oblige à faire face à un passé qu’il voulait oublier et que Jeanne ne veut pas reproduire.
Prenant le parti ambitieux de traiter le sujet épineux et encore tabou de l’inceste, "Les Âmes Sœurs" ne parvient pas à tenir pleinement ses promesses. Malgré le jeu exceptionnel de Noémie Merlant et de Benjamin Voisin, le film ne reste qu’en suggestion et ne parvient pas à franchir le pas de la révélation. Du moment où David verbalise son désir, l’histoire s’accélère et perd un peu pied : Jeanne fuit, Rachel, la maire du village se juge (avec des actes allant à l’inverse de son jugement) et David tente de mourir à nouveau. La fin du film où ils se retrouvent tous deux à la mer est emblématique de ce développement inachevé. On sent encore une tension, de l’amour, mais il n’y a pas de prise de partie, pas de réponse. Les personnages nagent sans but, comme le spectateur, indécis, ne sachant pas que penser de cette fin.
Si le scénario du film ne peut faire naître que de l’intérêt, "Les Âmes sœurs" donne la sensation d’avoir voulu traiter un sujet puis, lorsque celui-ci devient concret, de s’en débarrasser sans expliquer pourquoi. Outre la réponse moralisatrice de la maire, le film ne se positionne jamais vraiment par rapport à l’inceste car, même si Jeanne dit non, elle ne le fait pas par manque d’amour mais par désir de se retrouver elle. Jusqu’à la fin la tension perdure, mais rien n’en naît, comme si le film ne voulait plus parler de ce sujet : il dit oui à l’idée mais ne fait rien en acte, laissant le goût amer d’une histoire « pour rien ».
Adam GrassotEnvoyer un message au rédacteur