LES AFFLUENTS
Un regard précis sur une ville devenue mirage
Songsa, adolescent, vend des vêtements sur un marché de Phnom Penh, avec le Tuk Tuk familial. La tension est palpable avec les autres vendeurs, et il se retrouve rapidement victime de racket. Thy, vingt ans, joue les hôtes dans un club gay où il est payé un dollar le rêve acheté, et rêve de pouvoir s’acheter une vraie moto. Phearum s’endette pour acheter un taxi et se retrouver confronté au comportement des clients…
"Les Affluents", sélectionné à l’Acid Cannes 2020, pose un regard sur trois personnages rêvant d’une vie meilleure. Leur point de convergence ? Phnom Penh, ville tentaculaire de 2,3 millions d’habitants, capitale du Cambodge, et un événement qui fera le lien entre leurs destins de travailleurs précaires. Prenant son temps, la caméra de Jessé Miceli s’attarde pour mieux donner de la substance à chacun de ses personnages, entre celui qui subit la pression familiale pour travailler, celui plus ambitieux, qui veut bien flirter avec la décence pour parvenir à ses fins, et celui qui cherche à avoir une vie stable, mais se met au service de personnes d’autres milieux.
Derrière ces trois portraits se dessine un monde urbain impitoyable, fait de rivalités, de violence et de vols, mais aussi l’indécence de l’argent et d’un certain reliquat de colonialisme. Une sorte d’impasse dans laquelle le scénario précipite ses personnages, jusqu’au dénouement, plus ou moins amer. Esthétiquement très travaillé en termes de lumière, ce premier long métrage est aussi porté par trois interprètes formidables, faisant le lien avec une myriades d’autres personnages, autour de cette ville où tout se mélange, où la débrouille et les magouilles sont de mise, et où la jeunesse semble s’enivrer pour oublier sa condition. Au final, "Les Affluents" est un film particulièrement perspicace sur le mirage urbain dans des pays à l’accroissement de population galopant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur
