LEONERA
Actrice bouleversante, sujet intéressant malgré quelques grosses ficelles
2008 aura été une année faste pour le cinéma sud-américain à Cannes, tout comme elle l'avait été l'an passé pour le cinéma de l'Europe de l'Est. Ainsi, la Palme d'Or avait été attribuée au « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » de Cristian Mungiu qui traitait du terrible sujet de l'avortement. Avec « Leonera (Lion's Den) », le premier film sud-américain projeté en compétition, le festival présente en quelque sorte son « film-inverse », racontant, en effet, les conditions de naissance d'un enfant en milieu carcéral...
Réalisé par Pablo Trapero, un jeune argentin de 36 ans qui en est à son cinquième long-métrage, le film met plus largement en scène une jeune femme accusée de meurtre du père de l'enfant qu'elle porte dans son ventre et qui se voit condamnée à une peine de rétention. Placée dans un secteur spécialement réservé aux futures mamans, elle fait la connaissance de nombreuses autres femmes incarcérées qui, comme elle, sont soient enceintes, soit élèvent leur enfant né pendant la détention. Un endroit nécessaire et insolite, aussi curieux que vivant. Le paradis des prisons en quelque sorte. On y apprend les gestes de la grossesse, on fête les anniversaires, on procède aux baptêmes, etc.
Mais l'endroit reste carcéral. La cellule a beau être plus spacieuse, elle ne permet aucune intimité, les douches sont communes et parfois mouvementées. Pourtant cet endroit si violent, si glauque, si sombre et si froid devient ici tout autre quand un gosse, l'image de l'innocence même, traverse cet espace. Une belle opposition avec laquelle joue le réalisateur. Les couches culottes, poussettes et jouets cohabitent, en effet, avec les barbelés, les barreaux et les gardiens.
Visuellement, « Leonera » alterne subtilement les ambiances en fonction des humeurs de son personnage principal. D'abord confuse quand Julia découvre le massacre qu'elle n'arrive pas à expliquer, puis noire avec son arrivée en prison et sa grossesse qu'elle refuse, l'ambiance devient ensuite plus gaie quand elle profite de son fils et qu'elle a le soutien de Marta avec qui elle noue une relation très amicale, avant de redevenir nettement grise (et pluvieuse) quand cette meilleure amie, libérée, la quitte... Le réalisateur construit ainsi un vrai rapport entre couleurs du film et couleurs des sentiments de l'héroïne.
Une héroïne qui est presque de tous les plans. Mère courage et femme battante, elle est aussi cette meurtrière potentielle, que le film ne déculpabilisera jamais, laissant un éternel spectre planer au-dessus d'elle. L'actrice, Martina Gusman, également mariée au réalisateur, interprète divinement cette jeune maman protectrice, animale, prête à sortir les griffes dès qu'elle sent un danger autour de sa « tanière » ! Ce visage vous parait familier ? Évidemment, elle ressemble à s'y méprendre à une jeune Angelina Jolie ! A l'affiche également, la plus française des sud-américaines : Elli Meideros qui interprète la mère de Julia et dont le rôle est en totale opposition avec cette dernière.
De bien beaux personnages, brillamment interprétés, dans une prison comme on en a rarement l'occasion de voir au cinéma, mais qui évoluent au final, dans une histoire qui manque un peu d'originalité.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur