LE TRADUCTEUR
Un thriller maladroit aux excès de symbolique
Encore enfants, alors que des manifestations ont lieu dans les rues, Sami et son frère Zaid sont témoins de l’arrestation de leur père , qui ne réapparaîtra jamais. En 2000, devenu interpète, Sami, qui accompagne l’équipe olympique de boxe en Australie, fait une erreur de traduction qui en dit long, indiquant que « certains » syriennes regrettaient la disparition de Hafez el assad, dont le fils venait de prendre le pouvoir. Onze ans plus tard, son frère Zaid disparaît lors de la révolution syrienne. Il décide alors de rentrer au pays pour le secourir…
"Le traducteur" est un film plein de bonnes intentions, réalisé par Rana Kazkaz et Anas Khalaf, deux syriens mariés, qui ont la double nationalité française et américaine, conscients du privilège que leur octroie leur passeport de voyager librement, et notamment d'avoir pu quitter le pays. Pleins de bonnes intentions, car il dénonce la répression du régime face à des manifestations pacifiques (l’intrigue se déroule en 2011, juste après la révolution syrienne), l’aveuglement du monde extérieur face à ce qui se passait dans le pays, et aborde aussi le devoir de chacun de prendre la parole, d’exprimer son souhait de liberté, certains « porte-parole » qui se permettent de clamer leurs droits étant harcelés ou arrêtés.
L’un des problèmes du métrage est sans doute un manque de naturel, chaque scène semblant être posée après la précédente par pure nécessité, tout tendant vers la libération d’un frère dont on découvre a minima l’activisme. Il en va de même du personnage principal, entièrement tourné tourné vers cet objectif, mais dont au final on ne saura pas grand-chose de ce qui l’unit avec ce dernier, ou de ce qui faisait la cohésion de sa famille en particulier. Mais le défaut principal du film réside sans doute dans l’excès de signifiance, de la symbolique des lunettes (le fils Assad était ophtalmo avant de prendre le pouvoir, les lunettes abîmées du héros sont réparées, mais le monde reste aveugle à la détresse de la population…) qui n’est pas amenée avec légèreté, à des dialogues qui transpirent le sentiment de culpabilité de ceux qui ont pu partir ou qui viennent appuyer un peu trop un message.
La sœur qui examine en détail les passeports s’exclame ainsi « c’est fou que des gens puissent voyager à leur guise ». L’hypocrisie du pouvoir est stigmatisé par une citation d’Assad : « la vie est parfaite ici ». L’État d’esprit et la situation des habitants est résumée lors d’un échange avec la sœur en voiture, celle-ci déclarant « à la fin, c’est la violence qui gagne ». Restent cependant des acteurs impliqués, et surtout un dénouement qui vient éclairer le caractère manipulateur et les certitudes de ceux qui sont toujours « en place ». En bref, un film maladroit dans sa construction et ses dialogues, sur un sujet néanmoins important.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur