LE TEMPS D'AIMER
Une fresque d’empathie
France, 1947. Madeleine est serveuse dans un hôtel/restaurant de la côte bretonne et mère d’un petit garçon sans père. Un jour, sur la plage, elle rencontre François, un étudiant parisien fils d’une famille bourgeoise. Une compréhension mutuelle s’installe rapidement entre les deux jeunes gens qui cherchent autant à enterrer leurs secrets respectifs qu’à partager un peu de douceur…
La scène d’introduction est souvent celle qui donne le ton d’un film. "Le temps d’aimer" de Katel Quillévéré ("Réparer les vivants") s’ouvre donc ainsi : sur la place publique d’un petit village, des femmes sont maltraitées et moquées avant d’être tondues sous les regards méprisants des villageois. Plus tard encore, dans la nuit, notre héroïne, Madeleine, touche son ventre rebondi et pleure. Il est temps de partir pour ne plus jamais revenir. Cette scène d’une grande brutalité contraste par la haute dose d’empathie que la réalisatrice parvient à nous faire parvenir. On vient de la rencontrer, on souffre déjà pour Madeleine : on appréhende et la violence des Hommes, et ce que lui réserve cet avenir plus qu’incertain, celui qu’elle parviendra à construire après un tel traumatisme.
"Le temps d’aimer" est un film fresque qui commence à partir de rien : la fin de la guerre, la violence, la solitude… pour tout (re)construire. Un petit boulot en Bretagne dans un hôtel/restaurant en bord de mer, et un enfant âgé de quelques années plus tard, et survient la rencontre avec François - un homme qui semble doux. Un homme qui semble gentil. Un homme sur lequel Madeleine pourrait peut-être compter. François est bien tout cela, et encore plus : c’est un homme qui comprend les secrets comme quelqu’un qui en est familier.
On suit alors ce petit couple qui se protège mutuellement à travers les années, celles où l’on essaye de s’amuser après les restrictions de la guerre, comme celles où l’on peut encore se réinventer et repartir de zéro quand les temps le requièrent. En accompagnant toujours ces personnages d’une bienveillance sans jugement, Quillévéré nous montre un homme et une femme qui deviennent meilleurs amis, traversant ensemble le paysage d’une France fermée d’esprit. On entre ainsi, sans faux sentimentalisme, dans les contradictions de deux personnages qui se respectent sans être exempts de défauts. Ainsi Madeleine, pourtant si compréhensive, est incapable de montrer la moindre trace d’affection pour son fils dont elle écarte sans cesse les questionnements gênants.
Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste donnent une interprétation moderne à ce couple atypique, parvenant ainsi à empêcher le film de tomber dans le piège de la reconstitution sous formol. "Le temps d’aimer" en devient un long-métrage touchant, par ce qu’il dit d’une époque, mais aussi par ce qu’il dit de l’humain : celui d’hier comme celui d’aujourd’hui. Un film d’amour sous son sens le plus large, comme il est bon d’en être témoin parfois.
Amande DionneEnvoyer un message au rédacteurÀ LIRE ÉGALEMENT
COMMENTAIRES
Pater
mercredi 6 mars - 4h01
Je n ai pas du tout aimé devoir voir des scenes d homosexualité. Vous auriez du prévenir le spectateur
Horus
mercredi 6 mars - 3h58
Un film merveilleux que je conseille vivement. Une peinture de 2 personnages qui n'auraient pas dû se rencontrer et qui pourtant prendront le " temps de s'aimer". Leur incarnation par Anais Demoustier et surtout Vincent Lacoste( qui joue un rôle à contre emploi) est prodigieuse.Bref tous 2 qui arrivent à former une petite famille chaleureuse nous offre un bel exemple d'humanité, particulièrement bien venu en cette époque où l'on parle d'ensauvagement ou de " décivilisation ".
A voir absolument.