LE SILENCE DE SIBEL
Un film nécessaire, qui n'évite pas les maladresses
A Sinjar, village kurde du nord-ouest de l’Irak, vivait encore en 2014 la communauté Yézidie. Alors attaquée par l’auto-proclamé Etat Islamique (Daech), la famille de Sibel, 13 ans, comme d’autres, est massacrée, ses membres étant considérés comme des mécréants. Elle, a été réduite ensuite à l’état d’esclave sexuelle. Quelque temps plus tard, celle-ci est recueillie par Hana, une ophtalmo française d’origine kurde vivant à Uzerche. Le temps passe, et Sibel, qui prend des cours de français avec d’autres migrants, ne parle toujours pas…
Il y a des sujets d'évidence brûlants, qu'il est difficile d'appréhender sans risquer de tomber dans le voyeurisme, ou dans le drame appuyé. Aly Yeganeh, lui, tente une voie du milieu, évitant, en jouant à la fois de la suggestion et des flash-back, mais aussi du mutisme de son héroïne et de ses traumas, sans réellement trouver un équilibre, faute d'incarner un minimum le passé de celle-ci, après le massacre de sa famille. Après une première scène choc réussie, qui enferme le spectateur, comme le cadre, dans l'intérieur d'une maison dont l'obscurité est moins un abri face à la chaleur qu'une prison face aux bourreaux, la démultiplication de flash-back, souvent trop courts, sur ces terribles moments, peine à faire rentrer le spectateur dans la nouvelle réalité de cette jeune exilée.
Et en taisant quasiment l'après, symbolisé par son propre corps suspendu par des chaînes, ou par quelques poses lors des cauchemars ou crises d'angoisse une fois en France, l'auteur met finalement trop l'horreur à distance pour parvenir à réellement bouleverser. De plus, si les deux actrices principales, la jeune Melissa Boros qui incarne Sibel, et surtout Laëtitia Eido, qui donne corps à celle qui tente de la comprendre et la protéger, s’en sortent plutôt bien, le reste du casting coté France est loin d'être à la hauteur niveau crédibilité. Tentant de montrer comment le cauchemar peut vous suivre jusque dans un autre pays devenu pourtant un refuge, le film, s'il n’évite pas quelques maladresses dans la symbolique ou le fait d'éluder la manière dont Sibel a été libérée, a en tous cas le mérite de poser des questions éthiques comme humaines d'importance, aussi bien concernant la capacité à guérir d'un tel traumatisme, le droit à avorter en cas de viol, que la nécessité d'exprimer et partager sa souffrance.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur