LE ROMAN DE JIM

L’impossible paire de pères ?

Né en 1976, Aymeric, plaqué par Jenny à l’âge de 20 ans, est retourné vivre chez ses parents à Saint-Claude, dans le Haut-Jura. À l’été 1996, il fait la connaissance de Léa, en boîte de nuit, jeune femme qui ne veut pas être vue nue, mais qu’il photographie quand même. Incarcéré pour 24 mois, celle-ci le plaque, lui laissant juste les négatifs. Quelques temps après sa sortie, il croise Florence, une ancienne collègue relativement impudique, enceinte de 6 mois, et sera présent lors de l’accouchement. Ensemble ils partagent une histoire et élèvent cet enfant nommé Jim. Mais quelques années plus tard, en 2007, Christophe, le père biologique de Jim, ayant perdu récemment sa femme et ses deux filles, rend visite à Flo…

Le nouveau film des frères Larrieu, passé par la section Cannes Premières cette année, nous relate l’histoire d’un père malgré lui, embarqué dans une paternité qui n’était pas la sienne, dans laquelle il s’est totalement investi, et qui sera contrariée par le retour du père biologique, auquel on lui demande de « faire une place ». Dans cet intelligent scénario, rien n’est source de drame, la légitimité et l’acceptation étant au cœur des choses. Le héros fait ainsi l’amour avec une femme enceinte, accepte l'enfant de celle-ci, doit cohabiter à trois un temps, et même partir travailler ailleurs. C’est quand le lien avec l’enfant se distant par la force des choix effectués que les choses se compliquent et que les non-dits prennent le dessus, pourrissant peu à peu le quotidien et ce qu’il reste de vie.

Il est habituel que les parents affirment que les choix qu’ils font sont « pour le bien de l’enfant ». En visionnant "Le Roman de Jim", adapté du roman de Pierric Bailly, on n’aura de cesse de se poser la question de ce « bien » et de se demander de quelle manière on aurait soit même agit à la place des personnages interprétés par Laetitia Dosch (la mère, Florence ou Flo) et par Karim Leklou (le « premier père », Aymeric, devenu le « parrain »). Adoptant le point de vue d'Aymeric, le film retrace le parcours du père de substitution, de ses premiers déboires relationnels (rapidement résumés) à la rencontre avec Florence, alors enceinte, jusqu’à une autre histoire, avec sa rencontre avec Olivia (Sara Giraudeau), en passant par les années où il s’est occupé de l’enfant (Jim), les temps de vie à trois avec le père biologique, Christophe, soudainement réapparu.

Ouvrant ainsi plusieurs chapitres d’une pourtant même vie, "Le Roman de Jim" évolue sans cesse sur le fil du rasoir, flirtant avec le drame, s’allégeant par des touches de comédie. Mais c’est lorsqu'Aymeric tente de se livrer à sa nouvelle compagne, que le film devient absolument bouleversant. Utilisant la photo (la passion d’Aymeric), comme autant de bribes de vies qui restent, le récit donne lieu à quelques scènes finement écrites qui vous chavirent le cœur, traduisant le malaise, l’hésitation, l’envie de proximité, la peur d’élargir la distance. Et la plus émouvante n’est peut-être pas celle à laquelle on s’attend, ceci sans doute parce que parvenir à dire sa douleur est probablement le plus difficile.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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