LE RAVISSEMENT
La spirale du mensonge
Lydia, sage-femme, met son mec dehors. Alors que sa meilleure amie Salomé est enceinte, elle fait la connaissance d’un chauffeur de bus, Milos, après s’être endormi sur sa ligne. Mais celui-ci ne voulait pas plus d’une aventure. Comment la vie de Lydia, sage-femme très investie dans son travail, a-t-elle déraillé ? Des mois plus tard, après près de 20 heures de travail, Salomé donne naissance à une petite fille, avec son aide. Mais dans l’ascenseur, elle recroise Milos, alors qu’elle a le bébé dans les bras. Celui-ci croit alors qu’elle a eu un enfant, ce qu’elle ne dément pas. Elle laisse surtout le doute s’installer dans la tête de celui-ci, en prétendant qu’il pourrait être le père…
C’est avec une véritable maîtrise, du suspense comme de la suggestion, qu’Iris Kaltenbäck a dirigé son premier long métrage, Prix SACD à la dernière Semaine de la critique. Mais si le personnage de Lydia, jeune femme devenue calculatrice par des hasards successifs, est aussi troublant, c’est grâce à son interprète, Hafsia Herzi, dégageant à la fois douceur et attention, mais générant une inquiétude allant crescendo. L’intelligence de la construction du film, positionnant Milos, en voix-off, comme le conteur de cette histoire de mensonge virant à l’usurpation, avant de le transformer en témoin de ce fait divers finalement sordide, est à souligner.
Quant aux seconds rôles, Alexis Manenti ("Dalva", le troublant policier dans "Les Misérables") en Milos, et Nina Meurisse ("Vincent n'a pas d'écailles", "Lulu femme nue"), ils sont tout juste confondants de justesse. Finement écrit, "Le Ravissement" déroule le mécanisme implacable qui fait passer d’un déséquilibre ponctuel, à un mensonge systémique, n’expliquant jamais les réelles motivations d’une mythomanie galopante. Désir d’enfant, désir de couple, jalousie, besoin de reconnaissance sociale, peur de perdre la face, on ne saura jamais ce qui sert de moteur à cette femme, embarquée dans un mensonge dont elle est incapable de sortir. C’est là la plus grande force d’un film qui vous laisse aussi mal à l’aise que compatissant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur